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 L’Uroboros de l’Enfer : fantastique voyage illusoire

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Jealousy
Employé à mi-temps chez Aya
Jealousy


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L’Uroboros de l’Enfer : fantastique voyage illusoire - Page 3 Empty
MessageSujet: Re: L’Uroboros de l’Enfer : fantastique voyage illusoire   L’Uroboros de l’Enfer : fantastique voyage illusoire - Page 3 Icon_minitimeSam 7 Juil - 21:17

De son côté, Réo continuait d’avancer dans la forêt de la violence. L’écho des luttes nées des traques incessantes résonnait tout autour de lui. Les mises à mort étaient continuelles, alors qu’il passait sa main gauche sur ses griffures. Elles étaient légères et le sang ne coulait déjà plus. A force de recevoir des blessures débilitantes, il s’était forgé une résistance à la douleur indéniable.
Cela ne retirait rien à son inexpérience quant aux blessures persistantes. La dernière fois qu’il avait vraiment été privé de régénération commençait à remonter.
Son regard se posa sur une tour effondrée, à sa droite. Quatre formes s’y battaient avec virulence, ignorant superbement sa présence. Au-dessus des arbres de douleur, le sable se faisait plus présent, le vent était plus puissant. L’Enfer lui-même lui refusait de passer par là.
Cela ne changeait pas le fait qu’il était perdu. Il n’avait aucune idée d’où il se trouvait, mis à part que les arbres se faisaient plus espacés ici, encore moins de la direction à prendre. Il aurait dû s’en douter, vu toutes les fois où il s’était perdu dans la Forêt de la Magie !
En parlant de ladite forêt, il avait encore sa maison à rénover. Cette histoire traînait depuis trop longtemps. Encore fallait-il qu’il se trouve un boulot. Le plus pratique était le Village Humain, mais s’il voulait passer du temps dans l’Ancienne Cité, cela devenait vite compliqué.
Il ne pouvait pas tout avoir ! Il restait aussi le cas de Pride. Réo espérait qu’il aille bien… Tout comme Reimu et Malbas. Ou du moins, que tout ce petit monde s’en sortait.
Lui ne devait pas abandonner. Il devait rejoindre le Cercle suivant pour sortir Nue de là !
Il devait…

– N’as-tu pas honte ? (♪)
Réo se figea. Son cœur se serra dans sa poitrine. La voix féminine qui s’était adressée à lui depuis sa gauche était celle de sa mère.
Il n’osa pas la regarder.
Quand son père apparut, à sa droite, il continua de regarder le sol.
– Tu nous as tous tués pour ça.
Le constat était là. Froid. Direct. Réel.
Son petit frère apparut aussi, devant lui. Lui, ne dit rien, regardant seulement celui qui les avait tous trahis. Il ne les avait pas seulement massacrés. Il les avait condamnés à l’Enfer. Un sort bien pire que la mort. Tout ça pour quoi, sauver son âme ? Non seulement c’était égoïste, mais également bien vain.
Il méritait de finir ici de toute façon.
– Tu es un monstre, Réo. Tu le sais, n’est-ce pas ? Nous t’aimions, même nous étions incapables de le montrer correctement.
– Je sais !
Cela avait eu du mal à sortir. Le meurtrier évitait de regarder ses victimes, encore. Sa voix avait été inconstante et il doutait de pouvoir en dire plus.
Il s’y attendait.
Il savait que cela arriverait. Qu’ils seraient là. Mais le prévoir et le vivre étaient deux mondes différents. Il était, cette fois, face à ses péchés. Face à ses gamineries, son pacte faustien pour un caprice d’adolescent.
Et il avait tout sacrifié, toute son ancienne vie, sans un regard pour les autres.
– C’était ça, pour toi, m’aimer ? Me tuer parce que tu étais jaloux ?
Elle était là aussi. Sa première victime après avoir tué sa famille. Celle qui avait fait naître en lui cette Envie.
Vraiment ?
Il n’avait jamais été envieux avant ?
C’était faux. Il avait envié ceux qui avaient du succès. Il avait envié ceux qui avaient tous les doigts à la main droite, contrairement à lui. Il avait envié tous ces jeunes plein d’amis, tous ceux qui réussissaient tout. Cela n’avait été, qu’au fond, la goutte d’eau. Mais il ne pouvait s’en prendre qu’à lui-même. A l’inverse, il s’en était pris aux autres. Il était devenu le monstre aux yeux verts. Une abomination meurtrière, échangeant le sang des autres contre du pouvoir et une nouvelle vie.
Réo tremblait. Son frère mort s’était mis à pleurer. Il n’avait que sept ans et la griffe de la Lance Ultime avait transpercé son crâne depuis le front. Le trou était encore là.
– Je…
Doucement, Réo leva la tête. Les larmes coulaient sur ses joues. Il tremblait comme une feuille et voulait partir. Se retourner, courir loin d’ici.
Mais il avait fui trop longtemps et le sang ne cessait d’être versé à cause de cela.
– Je vais changer… Je ferai le bien autour de moi… Je…
– Pourquoi tu mens encore ?
Son frère avait dit ça, entre deux sanglots.
– Je trouverai un moyen de vous sortir de là ! Je vous le promets !
– Cela n’a plus aucune valeur, asséna sa mère.
Réo essuya ses larmes. Bien sûr, on ne pouvait plus le croire. Mais cette promesse, il se la faisait aussi à lui-même.
– Je vous le promets… Je vous… Le promets…

Comme pour s’en convaincre, il le répétait. Puis il remarqua une forme dans ce flot d’âmes assassinées. Deux bons mètres, une armure de cuir sombre, sa collection de clous, pinces, petites lames et autres ustensiles était encore sur tout son corps. Son rictus surnaturellement long au visage, Alastor approchait de sa victime, faisant des moulinets avec son crochet, toujours au bout de sa chaîne.
– Pride ne supportait pas la privation de liberté, alors je l’ai enfermé. Tu ne supportes pas la solitude, je vous ai séparé. Mais par-dessus tout, tu es incapable d’accepter tes erreurs. Tu te hais toi.
Le tortionnaire avait magistralement joué son coup, selon lui.  
– Toi… Tu… Te sers…
Tu as donné toutes ces âmes à l’Enfer. Nous en faisons ce qu’il nous plaît.
Réo fit un pas. Le crochet s’illumina, semblant en fusion et cingla l’air. Perturbé, le pécheur ne réagit pas à temps et une brûlure se forma à son avant-bras droit. Il eut une exclamation de douleur et tituba. Il se sentait mal.
Ses pensées s’étaient désordonnées et une brûlure inexplicable s’était emparée de sa tête et de son cœur. Le feu d’Alastor était particulier. Il s’agissait du Feu de l’Enfer.
Emprisonné dans son tourbillon d’émotions, Réo commençait à voir trouble. Ses jambes le trahirent et il posa un genou à terre.
Ses yeux se fermaient, bien malgré lui. Il… Ne pouvait plus lutter.

Malbas retint un juron.
Il avait beau chercher, toujours aucune trace de Murasa ! A croire qu’elle n’était vraiment pas là. Son regard se tourna vers la forêt. Si elle était là-bas, il pouvait encore chercher longtemps. Il était parti du principe que ce n’était pas le cas mais qui disait qu’il avait raison ?
Ils ne connaissaient rien du fonctionnement de cet endroit !
– Si je m’attendais à vous voir ici…
La voix était inconnue au Dévoreur. Lequel regarda cette forme qui approchait en volant. C’était une femme. Elle avait de longs cheveux gris malgré son âge ne devant pas aller au-delà de la vingtaine. Ses yeux étaient bleus, plus clairs que sa robe laissant ses bras nus. Elle ressemblait beaucoup à ce que portait Alice Margatroid. Des brûlures étaient visibles sur la majorité de sa peau et même sa robe n’était pas épargnée.
Il fallut quelques instants à un Malbas hébété pour la reconnaître.
– Vous êtes… Seishi ? Seishi Kodoku ?
La golémancienne s’inclina.
– C’est bien moi, Malbas Elric.
Contrairement à toutes les autres âmes des lieux, elle était calme. Elle ne semblait pas avoir d’intentions hostiles, ce qui prenait l’alchimiste au dépourvu. Il s’agissait de la première personne qu’il avait tuée Gensokyo ! Il l’avait dévorée et squattait sa maison !
– Je vois… Des excuses s’imposent, même si elles sont dérisoires par rapport à ce que je vous ai fait.
Ce fut au tour du Dévoreur de s’incliner. Ce n’était pas tous les jours que l’on faisait face à une de ses victimes.
– Je ne suis pas là pour vous hanter ou me venger, mais pour vous aider.
– Je vous demande pardon ?
Plus cela allait, moins Malbas comprenait. N’était-il pas plutôt en train d’halluciner, rendu fou par les cris de douleur des suppliciés ?
– Le temps presse ! Je sais que vous cherchez des âmes, ici. Je connais un sortilège de localisation. Connaissez-vous le nom de la personne que vous cherchez ici ?
Sous le coup de la surprise, Malbas eut un temps d’arrêt. Le temps de voir le visage de Seishi peu à peu perdre son calme.
– Vite, avant qu’ils ne me cherchent pour me remettre dans mon cercueil de feu ! Je n’ai pas beaucoup de temps et vous non plus ! Seul le combat que livre Reimu Hakurei m’a libérée !
Le Dévoreur s’ébroua. Ce coup de chance ne pouvait pas être ignoré. Et si c’était un piège, tant pis !
– Murasa Minamitsu ! Elle se nomme ainsi.
Seishi ne s’embarrassa pas de fioritures et marmonna une incantation. Une boule de lumière bleue de la taille d’une pomme apparut. Elle flottait en l’air et commença à se déplacer au-dessus du fleuve de sang. Toujours sur son radeau de glace continuellement généré, Malbas suivit l’indicateur.
– Comment comptez-vous sortir les âmes d’ici ? En ces lieux, les âmes se manifestent de façon corporelle mais ce ne sera plus le cas à Gensokyo. Ou bien vous aurez des fantômes informes.

Seishi était redevenue calme, comme si son stress précédent n’avait jamais existé. Cela perturbait quelque-peu l’alchimiste. Néanmoins, vu l’état des autres âmes, ce n’était pas cher payé.
– Je compte les transmuter. Je connais un… Disons un sortilège d’alchimie pour transmuter des âmes pour former une pierre philosophale. Je créerai trois pierres, chacune constituée d’une seule âme. Puis je les réintègrerai à leurs corps.
– Oh, oui, je connais cette pratique. Mais il ne s’agit pas d’une pierre philosophale, loin s’en faut. Ce ne sont que des pierres d’âmes. La pierre philosophale est, de ce que je sais, unique et beaucoup plus puissante que cela. Elle est sans défaut.
Malbas tiqua. Puis, à bien y réfléchir, opina. Cette notion de pierre formée depuis une âme s’appelant « pierre philosophale » venait d’un manga, après tout. Ce n’était qu’une interprétation fictive n’ayant rien à voir avec la réalité.
– Et ensuite, vous allez rattacher ces pierres à leur corps d’origine, n’est-ce pas ? La compatibilité sera parfaite, il n’y aura pas de rejet. Presque comme pour un golem, continua-t-elle.
– C’est exact. C’est également grâce à vous, tout ceci, en réalité. C’est… Mh…
– Vous m’avez volé ma golémancie en me tuant, oui.
Elle avait déballé cela sans la moindre émotion particulière. C’en était presque effrayant.
– J’espère qu’elles pourront retrouver une vie normale, lâcha sobrement le Dévoreur.
– Difficile à dire. Je laisse cela aux vivants. Mon corps ayant été détruit, vous ne pouvez plus rien pour moi. Je suis, de toute manière, là depuis trop longtemps.
– J’ai comme l’impression que nous devrions nous abstenir. Même si ce cas est très particulier et que de nombreux facteurs semblent uniques, j’ai la nette impression que nous violons les lois de la nature.
Seishi acquiesça.
– Ce qu’il se passe ici est digne des légendes. Ce genre d’actions n’est jamais sans conséquences. Soyez tous très prudents dans les jours, mois ou années à venir.
L’alchimiste opina du chef. Son mauvais pressentiment ne faisait qu’augmenter. Ne sachant plus trop quoi dire, Malbas reporta son attention sur ce qui les entourait. Du sang, des âmes damnées et la boule bleue qui finit par s’arrêter, au-dessus de l’eau bouillante et vermeille.
L’absence de personne se débattant à cet endroit laissait penser qu’elle était sous la surface.
– Je m’en charge.
Malbas tendit sa main gauche. Sa bouche circulaire s’ouvrit, lui permettant de ressentir l’énergie vitale autour de lui. Cette fois, il devait trouver celle qui était sous le sang et cela ne prit pas longtemps. Le plus dur était de se concentrer suffisamment dessus pour ignorer toutes les autres.
Vint ensuite la seconde partie : la remonter. La maîtrise de l’eau de Malbas n’était pas assez fine pour lui permettre de maîtriser le sang sans pleine lune. Mais là, le sang est directement à portée de mains. Il joignit ainsi celles-ci, comme pour faire une prière au beau milieu de l’Enfer. Il utilisa ensuite le pouvoir de Cirno pour éviter de se brûler, refroidissant le sang qu’il touchait de la paume de ses mains.
Les étincelles bleues propres à son alchimie apparurent alors que le liquide répondait à son ordre. Il s’écarta et fit s’élever l’objet de sa recherche : un fantôme marin brûlé par la chaleur, accroché à une ancre par une chaîne s’enroulant autour de son corps, bras croisés derrière l’objet pour empêcher tout mouvement. Murasa était là, devant leurs yeux, toussant comme elle pouvait. La chaîne entravait également son cou, limitant jusqu’aux mouvement de sa tête. Elle portait ses vêtements habituels, les mêmes qu’à sa mort, au détail prêt qu’ils étaient imprégnés de sang.

Sans un mot, Malbas alla vers elle. Il joignit ses mains et toucha la chaîne. Comme prévu, elle était en fer et elle se brisa à son contact, dans un petit éclat bleuté. Le Dévoreur rattrapa le fantôme qui s’effondrait.
– C’est fini Murasa… C’est fini.
Il n’eut qu’une pensée rapide pour leur dernière rencontre. Colère, haine, regrets… Il était là pour corriger tout cela. Plus jamais il ne devait semer ce genre de choses.
Plus jamais.
– Vous ne pouvez rien faire pour elle dans l’instant et le temps presse, remarqua Seishi sans le moindre état d’âme.
Elle avait raison. Murasa était prise de spasmes et n’avait même pas conscience que l’être qu’elle haïssait le plus au monde la tenait. Pourtant, il aurait voulu…
Il laissa tomber cette idée. Ce n’était pas le moment. Une fois de plus, il joignit ses mains, cette fois pour les poser sur les épaules du fantôme, désormais prostré devant lui. Des éclairs rouges crépitèrent. Les hurlements de douleur que craignait Malbas ne vinrent pas. Même la transmutation n’était rien par rapport à la torture d’un Cercle.
Il ne fallut que quelques secondes pour que Malbas ne se remette debout, pierre rouge en main. Elle n’était pas ronde, mais longiligne et irrégulière, comme un fragment directement arraché à un morceau plus gros. Rien à voir avec les pierres d’âmes qu’il avait créées par le passé.
– Quelqu’un vient.

Malbas suivit le regard de Seishi. Une forme noire fonçait à toute berzingue sur eux. Il se mit en garde, la pierre précieusement enfouie dans une poche. Fort heureusement, la forme aux ailes noires rachitiques formées de ténèbres n’était pas hostile. Malbas eut un temps d’arrêt.
– Putain pourquoi t’es là tout seul, toi ? Ils sont où les deux autres ?
Pride regardait Malbas et Seishi avec étonnement. Il avait toujours Nue sur son dos, maintenue désormais par des liens de sang. Il en était de même avec le corps qu’il trimballait, lui était bien plus lâche et seulement accroché depuis la jambe gauche. Un corps blanchâtre, aux ailes de chauve-souris. Les doigts étaient anormalement longs, comme les bras et l’être était maigre. De longues oreilles pointues encadraient le crâne chauve aux quatre cornes de bélier. Ses six yeux étaient fermés. A bien y regarder, il respirait encore.
– Qu’est-ce que…
Malbas avait du mal à bien comprendre.
– C’est lourd tout ce bordel alors déjà, tiens !
Joignant le geste à la parole, Pride confia Nue, toujours agonisante, au Dévoreur. Celui-ci n’attendit pas plus pour changer l’âme torturée en pierre rouge. La sienne était une grosse bille ayant trois excroissances la rendant informe, ce qui rappelait presque des tumeurs.
– Maintenant, tu fais pareil pour moi et tu me fous là-dedans.
Pride désignait le démon inconscient, qu’il déposa sur le radeau de sang gelé que Malbas dû agrandir pour l’occasion.
– … Je te demande pardon ?
L’alchimiste avait du mal à suivre.
– Je ne suis qu’une âme sans corps, mais ici je peux subsister quand même. Quand on sortira, ça ne sera plus le cas. Si je sors comme ça, je crève. Il me faut un corps ! Autant piquer celui d’un démon !
– Pride… Même si j’insère ton âme là-dedans, rien ne dit que ça fonctionnera. Le plus prudent serait de te remettre dans Réo. Et même si ça fonctionnait, il y aurait risque de rejet plus tard ! Non, ce n’est pas un risque, c’est une certitude !
– Mais je n’en ai rien à foutre, on n’aura peut-être plus jamais d’autre occasion de tenter un coup comme ça ! Tu sais très bien que ma situation est naze ! Ça me fait chier, ça fait chier Réo, ça fait chier Youmu, ça fait chier tout le monde ce jeu de chaise musicales pour un corps ! Je veux vivre, tu es le mieux placé pour comprendre ça !
Malbas déglutit. Oui, il comprenait parfaitement Pride. C’était comme si lui-même venait de trouver le remède miracle pour sa faim, ou en tout cas une piste exploitable, même sans certitude.
– C’est une opération possible. Ce sera comme faire un golem de chair, en un sens, compléta Seishi, toujours sans la moindre intonation susceptible d’indiquer un sentiment quelconque.
– Seishi Kodoku, je suppose, hein ? On nous a rabâché votre nom je ne sais pas combien de fois, réagit l’Orgueil.
Il n’obtint pas de réaction.
– Et sinon, pourquoi vous êtes là ?
– Le combat que livre la prêtresse Hakurei m’a éjectée de mon cercueil de feu. J’ai rejoint cet endroit sans trop savoir où aller.
Malbas se tourna vers Seishi.
– Reimu se bat ? Contre qui ?
– Je l’ignore mais elle était en difficulté.
Pride serra les mâchoires.
– Allez plus le temps d’hésiter ! File-moi ce corps et je fonce l’aider ! Toi, tu retrouves Réo !
– Mais tu aurais dû le voir sur ton trajet !
Pride roula des yeux. Cela prenait trop de temps. Mais Malbas marquait un point. Il n’avait pas croisé Réo, ni dans Huitième Cercle, ni dans celui-ci.
Qu’est-ce que cet incompétent était encore en train de faire ? Cette fois, il n’était pas là pour rattraper ses conneries.

(♪) Il pouvait les entendre. Tout autour de lui. Les âmes de ceux qu’il avait assassinés. Ils ne seraient pas les derniers. Il devait encore tuer pour payer sa dette. Tout ça pour ça.
Tout ça pour n’être, au fond, qu’une copie. C’était ridicule.
Il n’était pas quelqu’un de bien. Qu’avait-il fait en arrivant à Gensokyo ? Errer en hurlant et en s’en prenant aux autochtones ? Seule sa régénération l’avait empêché de se faire passer à tabac, et il l’aurait mérité.
Oui, il enviait tout le monde. Au point de demander les pouvoirs de son manga préféré contre des vies humaines. Sans faire quoi que ce soit pour changer la donne ensuite. Se plaindre, se plaindre, il n’avait fait que ça. Sans véritablement se rendre compte de tout ce qu’il avait gagné par lui-même. L’origine était ce pacte, oui. Mais il n’y avait pas que cela dans la balance. Plus maintenant.
Pride avait raison. Il n’avait plus de raisons d’être envieux. Il avait tout ce qu’il voulait. L’Orgueil avait comblé sa solitude, devenant un ami inséparable et un soutien précieux. Sans compter le nombre fois où il lui avait sauvé la vie. Ses conseils avaient été brutaux, mais c’était mérité. Lui aussi avait des rêves à accomplir et il n’était plus cet être destructeur et de noirceur qu’il était à l’origine. Et Réo avait fait d’autres rencontres.
Au Manoir du Démon Ecarlate, Patchouli lui avait appris la magie. Quelques tours avec ses pouvoirs de changeforme, mais surtout le système de cartes de sort. De quoi s’intégrer un peu plus à Gensokyo. Il le savait, elle l’étudiait en même temps. Ce n’était pas un problème. Il se sentait bien au manoir. Flandre était adorable et s’était attachée à lui. Meiling était agréable et si Remilia et Sakuya préféraient Pride, ce n’était pas un problème.
Puis il y avait Reimu.
La gardienne plus ou moins officielle de Gensokyo. Cette aventure au cœur de l’Enfer les avait rapprochés et il la voyait différemment. Pas uniquement comme la police locale mais comme une jeune femme comme une autre. Ils se connaissaient encore mal mais elle lui avait pardonné ses erreurs sans sourciller. Réo n’y avait qu’à peine prêté attention. Mais elle lui offrait une seconde chance, à lui comme à Pride. Il se sentait redevable.
Et en parlant de seconde chance… Il y avait le Monde Souterrain et sa bande de joyeuses drilles. Yuugi tenait encore à faire de lui son apprenti, sans doute pour se forger un adversaire à sa mesure. Mais il y avait aussi Parsee.
Elle était son reflet. Ils se ressemblaient tant que c’en était presque bizarre. Il… Voulait l’aider. Pourtant, ce n’était en soi pas ses oignons. Mais il ne connaissait que trop bien les flammes vertes qui dévoraient son âme. Il pouvait tout aussi bien admettre qu’il la trouvait jolie, ses yeux verts avaient quelque-chose d’hypnotisant, mais il n’y avait pas que ça. Son humeur changeait aussi vite que lui de forme. Un coup elle souriait, un coup elle était nostalgique.
Qu’avait-il bien pu lui arriver ?
Il devait le savoir. Et pour cela, il devait sortir d’ici.

En son for intérieur, la Bête s’agita de nouveau. Les chaînes luttaient tout comme leur captif. Son rugissement se réverbérait dans le vide onirique de l’âme du métamorphe.
Sortir d’ici.
– Reste là. Tu ne peux me vaincre sans ta guérison accélérée. Quant à tes pouvoirs, ils ne sont que des copies carbones, comme toi.
C’était vrai. Son autre atout était son Œil Ultime, lui donnant une acuité visuelle et des réflexes démentiels. C’était la seule raison pour laquelle il avait pu vaincre Aya et Meiling, par le passé. Littéralement en étant en pilote automatique.
Dire qu’il s’était alors affublé du titre pompeux d’incarnation des sept péchés capitaux. C’était ridicule, encore une fois. Il n’était qu’un…
Son poing gauche se serra.
Peu importait. Se lamenter ne changerait rien. C’était à lui de décider de ce qu’il devait être. S’il voulait changer les choses, il ne le ferait pas en laissant Alastor le tuer ou le coincer ici.
– Dire que tu es l’hôte… Un humain minable comme toi. Mais tu nous rapportes tant que je n’ai pas à te tuer. Seulement te retenir.
Un hôte ?
Doucement, Réo se releva enfin. Les regards des membres de sa famille se firent plus méprisants que jamais. Eux étaient clairement pour qu’il reste ici. A subir sa sentence.
– J’ai dit… Que je vous sortirai de là ! s’exclama le changeur de forme.
– Et comment ?
Alastor se délectait de voir sa proie dans cet état. Ce moment où elle se ressaisissait, pour mieux s’effondrer ensuite.
Réo ne répondit pas. Il devait… Il devait changer. Innover. Cela faisait trop longtemps qu’il se restreignait à être un envieux aux pouvoirs déjà vus.
Il était temps d’assumer ses responsabilités. De se battre. De vivre.
Des éclairs verts s’agitèrent autour de lui. « Ça » s’agitait encore, à l’intérieur. A force, les chaînes commençaient à fatiguer.
– Trop longtemps… Tout cela a trop duré. Incarnation de l’Envie, des sept péchés capitaux, conneries. Je suis juste un humain prétentieux et cupide qui a les yeux plus gros que le ventre.
Les monstres pouvaient-ils être humains ?
Il serra les dents. Qu’était-il, lui ?
Les éclairs crépitèrent un peu plus. Les tatouages d’ouroboros apparurent. Œil, main et cuisse gauche, langue, omoplate droite et au-dessus de la poitrine. A trop vouloir ressembler aux autres, on finissait par ne ressembler à rien.
Cette constatation le fit rire. Les éclairs redoublèrent de fureur.
– Qui es-tu ?
La question paraissait anodine, voir idiote. Pourtant Alastor l’avait posée avec tout le sérieux du monde. Peut-être même une pointe de solennité.

(♪) Réo continua de rire. Les tatouages rouges devinrent peu à peu verts. La Bête gronda, s’arqua dans on bassin. Son sceau crépitait. Une chaîne lâcha, mais les autres tinrent bon.
– Je suis… Je ne mérite plus d’utiliser mon nom humain. Réo Ryu… Non. Je suis… Quelqu’un qui a passé trop de temps à envier les autres. A présent, je dois me préoccuper de ce que j’ai. Si tu veux me donner un nom, appelle-moi Jealousy !
Ce sobriquet, choisi par Pride et utilisé par Flandre… Il allait l’adopter. Cela complétait l’Orgueil à merveille. La boucle était bouclée.
– Ridicule, nota Alastor avec une pointe de déception.
Il vit néanmoins que les tatouages se désagrégeaient littéralement plutôt que disparaître. Quelque-chose changeait en son adversaire, au-delà du simple changement de forme dont il était capable.
– Maintenant, tu as parlé d’hôte. C’est-à-dire ?
– Je n’ai pas à te répondre, Humain.
Alastor avait repris son crochet proprement en main. Il restait infusé de flammes infernales.

Jealousy regarda son ennemi. Les éclairs avaient cessé de crépiter. Ses yeux verts étaient fixés sur sa cible. Il faisait abstraction des autres. Il ne pouvait rien pour eux actuellement et ils n’allaient apparemment pas intervenir. Il était certain qu’Alastor était seul responsable de ces apparitions. Il n’y aurait aucun intérêt à les faire se balader librement dans les Cercles de toute façon.
Son esprit était… Clair. Il n’était pas en colère, pas serein non, plus, seulement concentré. C’était comme s’il s’était enfin déchargé d’un fardeau invisible pesant sur son esprit, ou avait fait le deuil de ce qu’il avait été.
Ainsi, lorsque le crochet traversa la distance le séparant du tortionnaire, Jealousy l’évita par la droite d’un mouvement clair. Il leva son bras gauche, changeant le membre en question en lame grise au tranchant noir. Le mouvement fut rapide et la chaîne ne résista pas. Malheureusement, la chaleur mystique du métal mordit le membre transformé, laissant une trace de brûlure et une expression douloureuse sur le visage du changeur de forme.
Lorsque son bras redevint normal, la brûlure était clairement visible. Au deuxième degré, mais cela restait bien présent. Le feu infernal n’était pas entièrement arrêté par l’armure de carbone.

Alastor n’en démordit pas. Sa chaîne avait beau être coupée, il envoya tout de même ce qu’il en restait, l’enflammait bien plus franchement.
Jealousy se baissa pour ne pas se faire toucher au cou. Dans le même temps, un frottement au sol, derrière lui, lui indiqua que quelque-chose venait de l’arrière. Cela devait être le crochet, mais l’Envieux ne pouvait pas savoir vers où il allait aller. Mais en toute logique…
Les éclairs verts crépitèrent et l’humain devint un loup noir. Bien trop petit pour le crochet qui passa au-dessus de lui, revenant dans la main gauche, jusque-là libre, de son propriétaire.
Enchaîner les transformations. C’était une stratégie qui fonctionnait bien, mais elle était vite fatigante. Non seulement du fait de la transformation elle-même mais aussi à cause de la gymnastique cérébrale que cela demandait. On ne maniait pas un corps humain comme on maniait un corps de loup ou d’aigle.
Jealousy reprit ensuite se forme humaine. Il s’était arrêté, embêté par le feu adverse. Il ne pouvait pas bourriner en se couvrant de carbone, cela ne suffirait pas. Même s’il gagnait, il serait trop blessé pour continuer.
Il devait le surprendre.

Le polymorphe serra les poings. A l’intérieur de lui, il sentait cette impulsion sauvage qui l’avait guidé par le passé. Cette envie de se déchaîner qui l’avait rendu si infect et méprisable et qu’il haïssait, dorénavant.
Il devait s’en servir sans se laisser submerger. Ses pouvoirs étaient les siens, au-delà de ceux de personnages fictifs. Il en faisait ce qu’il voulait. Et lui-même n’appartenait pas au Diable.
Une volée de flammes fila vers le changeur de forme. Il concentra sa force dans ses jambes pour se propulser dans les airs en un bond inhumain. La force de la Paresse, aurait-il dit dans un autre cas. Mais c’était sa force, désormais.
Vulnérable dans les airs, il vit la chaîne enflammée d’Alastor se déployer dans son sens. L’Envieux se torsada et changea brièvement sa forme en celle d’un corbeau, le temps que la chaîne passe à sa gauche. Puis il donna un coup d’aile, se changea en aigle noir, piqua, puis reprit forme humaine. Le bourreau démoniaque l’évita d’un rapidement déplacement sur la droite et frappa avec son crochet. Mais il était sur le terrain de Jealousy, désormais.
Celui-ci sauta pour éviter le coup de taille, retomba sur ses pieds et se propulsa, armant son poing gauche recouvert de carbone et l’envoyant rapidement dans l’abdomen du démon. La vitesse de la Paresse, jusqu’ici utilisée en charges incontrôlables, était distillée de façon plus diluée. Moins grandiloquente mais assez pour faire une différence. Jealousy se disait qu’il pouvait faire de même avec la force, bien que les accès dont il pouvait faire preuve étaient moins handicapants que la vitesse à plein régime.
Alastor quitta le sol et fut projeté contre un arbre, lequel eut une plainte de douleur. Les yeux rouges du démon se posèrent sur son ennemi.
– Je suis un chasseur d’âmes… Ce n’est pas un humain comme toi qui me vaincra !

Il fit un mouvement en s’enflammant brièvement. Le feu infernal qu’il manipulait quitta son corps, pour s’enfoncer dans le sol. Une occasion parfaite. Jealousy chargea droit sur le tourmenteur des âmes damnées. Il savait que la célérité de son pouvoir le rendait invisible même à l’œil nu, pour les humains en tout cas. Avec ça, il devrait avoir le temps d’agir avant Alastor !
Mais c’était sous-estimer le démon.
Des chaînes de métal en fusion jaillirent du sol pour s’enrouler autour de Jealousy, bloquant son ventre, ses bras et ses mollets. La douleur insoutenable le fit hurler.
Alastor, lui, ricana.
– Tu ne peux pas t’échapper, morveux. Je m’occupe de ces âmes depuis des temps immémoriaux.
Jealousy ne réagit pas. Il devait trouver un truc. Il devait atteindre cet enfoiré ! Il avait toujours cette capacité, désagréable, de se changer en eau mais elle était suicidaire dans ces conditions.
Il devait…
L’Envieux força sur son bras droit. Celui-ci était bloqué dans une position plus basse que le bras gauche. Il ne chercha pas à se déloger des chaînes mais seulement à baisser juste un peu l’avant-bras. Quelques centimètres…
La douleur était là. A l’intérieur, il sentait la Bête continuer de s’agiter sous l’effet spirituel des flammes, bien que c’était atténué dans ce cas-ci. Il devait garder le contrôle. Il n’avait personne à envier ici. Aucune vengeance imaginaire à accomplir.
Seulement cet adversaire à abattre et des réponses à lui soutirer. Quant à la vengeance, elle était bien réelle mais n’avait rien à voir avec son Envie.

Il se prépara. Il n’aurait droit qu’à un essai. Il devait viser juste et combiner ses capacités efficacement. Juste avant, il l’avait fait avec sa lame au cœur de carbone et au tranchant de Lance Ultime.
Cette fois, ce serait un peu plus compliqué. Mais il avait assisté aux cours de Youmu et Pride pour mettre au point quelques cartes de sort. Il avait vu comment faire. C’était le moment de prouver qu’il pouvait faire autre chose que copier bêtement ce qui existait déjà.
S’il était dans un shônen, il aurait d’ailleurs certainement hurlé un nom d’attaque. Cela attendrait la version carte de sort.
Alastor le regardait faire. De son point de vue, ce microbe ne faisait que se tortiller inutilement. Il ne s’inquiéta donc pas des éclairs verts qui crépitèrent autour de lui. Ce fut son erreur.
Tout se passa très vite.
Le bras droit de Jealousy se changea en lame noire et dans l’instant, s’allongea. Et elle le fit vite ! Le chasseur d’âmes n’eut pas le temps de bouger que le membre transfiguré s’enfonçait dans sa poitrine. Avec la vitesse venait la force et il fut littéralement cloué à l’arbre par l’action.

Il perdit ainsi le contrôle de son sortilège, permettant à Jealousy le rejoindre, après avoir redonné une forme normale à son bras. Un rictus de triomphe était visible sur son visage, malgré les sévères brûlures constellant son corps. Seule l’adrénaline lui permettait encore de faire le malin.
Alastor lâcha un juron. Affalé contre l’arbre, il tenta de se remettre debout. Mais il perdit de précieuses secondes, permettant au poing gauche du polymorphe de rencontrer son visage avec violence, l’envoyant au sol.
Les flammes infernales reparurent et il les envoya en un torrent sur l’humain qui osait le défier. Mais le geste était maladroit et l’Envieux l’évita. De justesse, mais il y parvint.
– Tu n’as pas l’habitude de te battre, n’est-ce pas ? Bon, faisons vite. C’est quoi ton histoire d’hôte ?
La chaîne partit vers Jealousy. Il fit un pas de côté et écrasa sans vergogne la poitrine blessée du tortionnaire. Il voulait en finir vite.
– Tu puises dans son pouvoir… Mais tu ignores qui il est.
Nouveaux coup et cri.
– Pas le temps pour les devinettes.
Jealousy se voulait ferme mais il savait que si Alastor ne voulait pas répondre, il allait vite manquer d’options. Le démon avait tout son temps, pas lui.
– L’archidémon de l’Envie. Léviathan ! Comment crois-tu que les âmes que tu fauches atterrissent ici ? Léviathan peut emmener des âmes directement en Enfer.
Le démon de l’Envie.
Jealousy ne trouva rien à dire, pendant quelques secondes. Il sentait qu’il s’agissait là d’une pièce importante du puzzle. Il devinait que sa propre envie devait jouer. Peut-être cela faisait-il de lui un hôte compatible ?
– Mais pourquoi lier un archidémon à moi ?
– Léviathan est incontrôlable, c’est tout ce que je sais. C’est une bête. Comme toi.

L’Envieux donna un nouveau coup, avant de se reculer. Les âmes avaient disparu. Avaient-elles seulement véritablement été là ? Il l’ignorait et cela ne changeait au fond rien à sa position.
L’hôte d’un démon. Il accumulait tout, visiblement. Mais il savait enfin ce qu’était « Ça ». Cette chose enfouie en lui et qui ne demandait qu’à tout réduire en cendres. Peut-être qu’avec ce nom, Patchouli et les autres pourraient trouver des informations.
Il gardait Alastor en vue. Il essayait à nouveau de se relever. Il n’était pas excellent au combat mais il était clairement solide. Jealousy commençait à douter de ses possibilités de réellement lui échapper. Encore que.
Il releva la tête. Le vent s’était calmé, le sable aussi. Il ne s’en était pas rendu compte avec tout ça mais le voyage par les airs était à nouveau possible !
Cet instant de distraction fut aussitôt mis à profit par Alastor, dont l’arme principale s’étendit vers l’impudent qui avait osé l’humilier ainsi. Malheureusement son geste fut stoppé par l’explosion qui l’engloutit.
Jealousy sursauta et regarda le chasseur d’âmes en piteux état. Puis il se tourna vers le nouvel arrivant.
– Malbas ? Mais qu’est-ce que tu fous là ? Et c’est qui elle ?
Le Dévoreur regarda le polymorphe, alors que Seishi se présentait.
– Je viens te chercher. On doit rejoindre Reimu et vite !
Il était stressé. Trop stressé. Qu’est-ce qu’il se passait ?
– Mais, et Nue ?
– Pride l’a ramenée, il est déjà en route vers le Sixième Cercle !
L’hôte de Léviathan tiqua. Pride était passé et il ne l’avait même pas croisé ? Combien de temps était-il resté bloqué avec Alastor, au juste ? Et comment Pride s’était-il seulement libéré ?
Devant son air confus, Malbas haussa encore le ton.
– Je te dirai tout en chemin ! Maintenant, on se grouille !
– D’accord, d’accord. Tu ne veux pas remettre un coup de combustion dans sa tronche, tant qu’on y est ? Il est du genre collant.
Malbas regarda Alastor. Puis Réo. Et roula des yeux. Certaines choses ne changeaient jamais…
Pourvu que le pire ne soit pas arrivé.

(♪) Pride avait fait le trajet en volant. Malbas lui avait indiqué le chemin à suivre. Il était allé vite, aussi vite qu’il le pouvait. Tout lui indiquait que Reimu était dans un sérieux pétrin.
Il jaillit du trou, ses ailes d’ombre le portant sans faillir. Il eut un temps d’arrêt en voyant ce qui était autour de lui. La ruine.
La Cité de Dis, première capitale infernale, était en partie rasée. Pas tout, bien entendu. De nombreuses structures sombres tenaient encore. Les chants et incantations aussi nombreux que leurs langages résonnaient avec une ferveur religieuse et infernale. Un mausolée, un temple aux inspiration indiennes, une cathédrale, les architectures et styles étaient de toutes sortes. Cela valait tant pour ce qui était debout que pour ce qui était démoli, en partie ou totalement. Le combat avait dû être dantesque.
Avait dû.
Il n’y avait pas la moindre explosion d’audible. Pas le moindre cri reconnaissable. Seulement les âmes damnées qui brûlaient de diverses façons. Inquiet, Pride scruta le sol et les décombre, toujours en volant. Il allait une fois de plus s’aider de ses ombres pour chercher, un peu plus nerveux à chaque minute qui s’écoulait.
– Reimu ?! T’es où bordel ?

Il finit par voir, au niveau des restes d’une pagode en miettes, un bâton dépasser des débris. Il s’en approcha, pour en avoir le cœur net. Les tresses d’amulettes finissaient le gohei, comme toujours. Du sang le maculait et était répandu autour. Les débris de bois et de tuiles noires empêchaient d’en savoir plus. Avec une certaine appréhension, Pride dégagea le tout, son ombre s’étant changée en de multiples bras.
Le gohei était brisé.
A vu de nez, à sa moitié, environ. Le sang était autour, mais il n’y avait pas de corps, pas plus que d’autres débris organiques. Pride déblaya le reste, mais ne trouva rien de plus. Il poussa un soupir de soulagement, bien que cela n’augurait rien de bon.
Il continua sa recherche. Elle devait bien être quelque-part !
Le seigneur des ombres remarqua alors une autre personne qui cherchait. Une femme vêtue de rouge, sa tenue ressemblant fortement à Reimu. Son masque d’oni, toujours dans des tons carmins, masquait son visage. Quatre orbes tournaient autour d’elle et elle avait un katana dégainé à la main. Elle ne le vit pas, ou l’ignora. Difficile à dire.

Il finit par entendre une faible voix, à sa droite. Cela venait d’un temple à demi effondré, qui devait être égyptien. Ses pierres étaient plus noires que la normale mais les colonnes et l’allure y étaient. La statue qui restait n’avait pas de tête, en revanche.
S’engouffrant à l’intérieur, Pride ne tarda pas à trouver la miko. Il n’y avait plus qu’une salle remplie de débris. La jeune femme était en piteux état. Sa tenue rafistolée par Malbas, et donc entièrement rouge, présentait nombre de trous et déchirures. Plusieurs bouts servaient de bandages plus ou moins efficaces. Il y avait du sang sur les deux bras de la prêtresse, à sa jambe droite mais également sur son dos. Elle avait également une blessure juste à côté de l’œil droit.
Elle était exténuée et regarda Pride d’un air qu’il ne lui connaissait pas.
– Reimu, tu… Enfin…
Il en perdait son latin. Qu’était-il supposé dire ?
– Je… Je n’y… Je n’y arrive pas…
– Quoi, pourquoi ?
– Elle m’a pris les orbes ! Détruit mon gohei ! C’est… C’est ma mère, Pride !
Lui-même ne sut quoi dire. Reimu était désemparée et jamais il n’aurait cru la voir ainsi. Elle avait certes craqué après son agression dans le Cercle de la Luxure, mais cette fois, c’était encore pire. Elle perdait pieds. Rien que le fait qu’elle se soit cachée...
– Regarde-moi, Hakurei.
Pride avait parlé avec autorité et prit la prêtresse par les épaules. Elle obéit, mais ses yeux brillaient d’incertitude.
– On va la battre et retrouver Marisa. Tu m’entends ? Réo et Malbas ne tarderont pas à nous rejoindre, s’il le faut.
– Je ne peux pas la sortir d’ici…
Il la secoua.
– Reprends-toi nom de ton dieu ! Ça ne te ressemble pas !
Elle détourna le regard. Il ne devait pas s’y prendre de cette façon. Il fallait lui faire retrouver espoir. Il ne pouvait pas se mettre à sa place, il n’avait pas de parents, encore moins de parent damné à affronter.
– Reimu…
Il l’avait lâchée, la regardant seulement. Vraiment, il ne savait pas comment agir dans ces moments. Quelques instants passèrent, dans le silence. Dehors, de lourds sons rocailleux étaient audibles. La ville se reconstruisait-elle ? Pride n’en avait cure.
– Reimu… Youmu m’a raconté que tu n’étais pas très populaire au Village Humain. Apparemment, parce qu’ils ont du mal à accepter que tu traînes autant avec des yôkais, surtout à ton temple.
Elle lui lança un regard tout au plus perdu. Qu’est-ce qu’il racontait ?
– J’ai beau tuer, tu t’en fous. T’es prête à laisser passer. Pareil pour Malbas. Et t’as fait pareil pour tous les autres, hein ? Tu résous les incidents, fin de l’histoire. Même si tu n’en as pas envie, que ça te fait chier, tu le fais et on passe à autre chose. Pas de haine, tu fais des amis de tes ennemis passés. C’est niais. Pourtant, j’admire ça. C’est ce qui fait le charme de Gensokyo.
Reimu déglutit. Pride, lui, se remit debout.
– Je ne vais pas te faire un long discours larmoyant, Reimu. Si c’est bien ta mère dehors, on doit la vaincre. Je pense que c’est ce qu’elle voudrait. En tout cas, c’est ce que Marisa et tout le reste doit vouloir. Je comprends que ce soit dur pour toi. T’as qu’à rester là si tu veux. Moi, je vais tenter de…

(♪) Le toit disparut dans un souffle. Ce dernier fit tituber Pride. Il se retourna et la vit. La prêtresse rouge, volant toujours. Elle les avait retrouvés.
– Fais vite ton choix, Hakurei !
Les ombres de Pride se déchaînèrent. Les débris lui offraient du matériel et il n’allait pas hésiter à s’en servir. Ainsi, il pouvait couvrir Reimu, bien que la puissance de ce que lui envoyait son adversaire faisait voler ses tentacules ténébreux en éclats, le forçant à sans cesse les régénérer.
– Pride ! Attends !
Alors qu’il s’envolait, pour essayer d’éloigner Surana, Reimu se releva. Elle perdit néanmoins aussitôt l’équilibre, pour retomber au sol. Il n’avait aucune chance tout seul !
Elle devait…
Elle se prit la tête dans les mains. Comment ? Comment faire ? Sans ses orbes, sans son gohei, elle était comme revenue à son plus jeune âge. Quand elle ne savait même pas encore voler et avait dû s’en remettre à Genji, sa tortue volante depuis longtemps décédée. Et encore, elle avait eu ses orbes yin-yang à cette époque.
Mais maintenant…

Une explosion de lumière rouge la fit grimacer.
Mais maintenant quoi ? Elle était là. Blessée mais pas encore hors de combat. Elle avait ses cartes de sort, elle avait ses amulettes. Elle avait…
Elle regarda Pride. Il était déjà bloqué à la défensive, acculé devant une église dont il étendait l’ombre.
Elle avait ses amis. Elle n’était pas seule. Et elle avait un objectif.
Elle se releva. Tituba. Tint bon. C’était son devoir. Depuis l’instauration de la barrière, les Hakurei veillaient sur celle-ci comme sur l’équilibre de Gensokyo. Les démons menaçaient tout cela et avaient emportés sa mère.
Comment était-elle arrivée ici ?
Elle ne pouvait pas le savoir. Mais elle devait tout tenter pour réussir. Ramener Marisa, Nue et Murasa à Gensokyo ! Elle était là pour ça ! Pride avait raison, tout le monde comptait sur elle et sa mère elle-même aurait voulu qu’elle le fasse. Elle était encore là. Elle pouvait encore agir.

– Saloperie de…
Le croissant rougeâtre de deux mètres qui s’était dirigé vers lui s’enfonça dans l’église plutôt que dans son corps. Assez pour traverser le bâtiment de part en part. L’Orgueil commençait à comprendre pourquoi Reimu avait eu du mal.
Sa mère était un casse-tête. Son katana assurait son corps à corps, ses orbes faisaient office de boucliers de dernière chance et ses tirs ne cessaient jamais. C’était à peine s’il avait des fenêtres pour bouger !
Fort heureusement, des amulettes partirent en sens inverse, lui offrant un peu d’air. De quoi se dégager de là, bien que la zone qu’il atteignit n’avait pas de bâtiment haut, limitant les ombres.
– T’as pris ton temps, Reimu.
– N’en rajoute pas, s’il te plaît, grinça-t-elle.
Elle se plaça à sa droite.
– Si tu ne veux pas la tuer, pour ce que ça veut dire ici, on a toujours les cartes de sort, nota l’Orgueil.
– Je sais. Il faut sortir le grand jeu.
– Sans déconner. Je vais essayer de te couvrir avec mes ombres, t’es plus rapide que moi. Il faudrait réussir à virer son sabre, il a l’air de bien trop lui faciliter la vie.
Shugo débordait de magie impie. Surana le tendit vers l’improbable duo se dressant contre elle. Un grand rayon écarlate en jaillit, forçant Pride et Reimu à aller chacun de leur côté. L’explosion retentissante envoya des débris de pierre tout autour. La parodie de lieu saint avait été vaporisée.
Pride n’attendit pas plus longtemps.
– Hidden Terror "Boogeyman Will Take You"

La luminosité baissa drastiquement alors que le Seigneur des Ombres se déplaçait vers des colonnes d’où pendaient des âmes enflammées. Les ombres s’étendirent et rapidement, de grands bras se tendirent vers Surana. Peu lui importait. Un simple coup de taille détruisit entièrement le membre de ténèbres qui se tendait vers sa droite.
En revanche, elle dû bouger pour éviter les amulettes que lui envoyait Reimu. A deux contre un, cela devenait plus compliqué. Les quatre orbes mitraillèrent la miko, mais les appendices de ténèbres générés par la carte de l’Orgueil se mirent devant elle pour la protéger. Ils ne tinrent pas longtemps. Mais Reimu avait eu le temps d’incanter.
– Treasure "Ying-Yang Asuka'i"

L’orbe yin-yang qui se forma au bout de son bras droit faisait bien trois mètres de diamètres et fila à toute allure sur Surana. Gênée dans son esquive par les ombres de Pride, elle fut obligée de donner un grand coup droit vers le projectile. Il y eut une grande lueur mauve et l’explosion qui s’ensuivit sembla secouer toute la capitale infernale.
Cette fois la miko au masque d’oni avait été blessée. Son sang s’écoulait de son corps noirci, visible du fait de sa tenue déchirée. Mais elle n’avait pas dit son dernier mot, loin s’en fallait.
Les orbes yin-yang qu’elle avait volé crachèrent un nouveau tsunami de projectiles rouges, sous la forme d’orbes et d’amulettes imitant ceux que Reimu.
– On a réussi à la toucher ! Faut continuer comme ça ! hurla Pride à cette dernière.
Les deux alliés se rejoignaient à présent. Pride ne cessait de devoir se protéger, n’ayant pas la même aisance pour éviter ce qu’on leur envoyait que la spécialiste en la matière. Bon sang mais comment faisait-elle ?
Ce n’était pas assez. Surana avait chargé un nouveau rayon écarlate, qu’elle destina à Pride.
Il le vit arriver. Il devait se déplacer plus vite. Il maîtrisait les ombres, mais il devait être une ombre !
Il n’était pas limité au pouvoir du Pride du manga ! Ses cartes de sort le prouvaient ! Ce pouvoir était le sien et ce corps était le sien !
Au fond de son esprit, il y eut un déclic. Il ignorait que Jealousy avait eu le même, peu de temps auparavant. Sa perception des ombres s’affina, sans qu’il ne s’en rende vraiment compte. Elles l’appelèrent et alors que le rayon commençait à brûler sa chair, il disparut.

Reimu en resta interdite. Elle vit néanmoins une flaque d’ombre se déplacer vers elle, sur le sol. Quand elle la rejoignit, Pride en sortit. Sa blessure se refermait, mais les éclairs n’étaient pas rouges. Ils étaient noirs.
– … J’ai pas tout compris, marmonna un Pride perturbé.
Qu’est-ce qu’il venait de se passer ? La prêtresse décida d’ignorer cela pour rester sur l’essentiel.
– On ne l’aura pas à distance ! Marisa est la seule à avoir la puissance de feu nécessaire pour ça !
A peine avait-elle dit ça que Reimu se mordit la lèvre inférieure. Dans les cas comme ça, la sorcière ordinaire arrivait toujours pour envoyer un Master Spark bien senti sur l’ennemi. Elle aurait payé cher pour qu’elle arrive en cet instant.
Mais s’ils étaient là, c’était pour qu’elle puisse le refaire dans le futur.
– Il faut lui envoyer la sauce en étant tout prêt, releva Pride.
– J’ai peut-être ce qu’il faut. Mais mon temps imparti sera très limité. Sans compter qu’il en sera de même quand je devrai enchaîner sur une autre carte juste après.
Reimu avait sa solution en tête. Mais le timing serait très serré. Elle n’avait pas le droit à l’erreur.
– Alors j’ouvrirai le chemin.

Cette phrase terminée, deux météores rouges foncèrent sur le duo. En catastrophe, le duo se retira, mais l’impact avec le sol les projeta contre une colonne. Reimu eut un cri de douleur alors que son dos protestait violemment. Ses yeux fermés sur l’instant s’ouvrirent sur sa mère qui s’apprêtait à l’éventrer avec Shugo.
Seule la mâchoire d’ombre qui fila pour dévier l’arme l’en empêcha.
– Pas de blague… Le seul qui a le droit de te tuer, c’est moi !
La miko au masque d’oni réfuta l’argument, pivotant en envoyant les orbes yin-yang sur Pride. Celui-ci se jeta au sol pour esquiver. Lorsque d’autres orbes en jaillirent, il se sentit tracté. Reimu venait d’envoyer deux amulettes pour émuler les trous de Yukari, s’enfonçant là pour apparaître à côté de Pride et le tirer hors de danger !
Ce dernier leva ensuite une barrière d’ombres, qui ne tint pas bien longtemps mais leur permis de s’élever dans les airs.
– Merci du coup de main, marmonna-t-il entre ses dents.
Il n’osait le dire, mais la simple attaque précédente avait vidé son stock. Cette prêtresse rouge était un monstre.
Son assaut au corps à corps ayant été un échec, elle avait à nouveau gagné en altitude. Elle allait à nouveau les bombarder. Derrière elle, un pentacle d’énergie rouge, vers le bas, se formait. Un cercle se formait autour de lui et peu à peu, divers symboles ésotériques s’ajoutaient.

Un regard de Pride vers Reimu lui appris qu’elle n’était plus en état pour faire des cabrioles encore longtemps. Il fallait en finir. (♪)

– Prépare ta botte secrète, annonça-t-il.
Reimu opina. Elle arrivait à ses limites. Ses blessures lui hurlaient que cela commençait à trop en faire. L’adrénaline ne suffisait plus. Les ecchymoses se faisaient sentir un peu partout, elle sentait sa tête devenir de plus en plus lourde. Les cris, les mélopées, le rouge, partout. C’était réussir ou mourir.
Surana était haut dans le ciel. Presque aussi haut que les âmes enchaînées formant celui-ci. Les orbes tournaient à plein régime autour d’elle et des éclairs annoncèrent le début de l’apocalypse.
A nouveau équipé de ses ailes, Pride se lança droit vers son ennemie. Reimu était deux mètres derrière lui et le suivait à la trace.
Il ne devait pas se rater non plus. Il devait libérer la voie le plus possible et permettre à Reimu d’avoir ses marges de manœuvres. Mais pour cela, il fallait réduire la distance. Dépourvu de ses ombres dans les airs, Pride dû se résoudre à utiliser son sang. Plusieurs projectiles le touchèrent, en libérant aussitôt. Rapidement, le liquide carmin devint des petites boules, partant pour exploser contre les menaces les plus proches. Derrière lui, Reimu avait déjà ses deux cartes en mains et se retenait de briser leur stratégie. Pride était littéralement un bouclier humain et n’avait plus de régénération, contrairement à ce qu’elle pensait ! Mais cela la confortait dans l’idée qu’elle s’était faite de lui. Il avait beaucoup changé depuis son arrivée à Gensokyo. Elle le pensait quand elle lui avait dit qu’il valait mieux que ce qu’il montrait.
Désormais, il le prouvait. Et elle allait tout donner pour le sauver, comme elle donnait tout pour protéger Gensokyo. C’était là le devoir sacré des Hakurei, que sa mère avait commencé à lui enseigner avant sa disparition.
Et elle avait fait de son mieux. Certes en négligeant son entraînement et d’autres choses. Elle n’était pas parfaite. Mais à chaque incident, elle avait répondu présent. On critiquait ses méthodes, on ignorait parfois que c’était elle qui faisait tout cela. Mais cela importait peu.
Comme ses donations, son nombre fidèles, l’opinion que l’on avait d’elle. Le plus important était que tout aille bien à la fin dans la contrée des illusions.

Les explosions se faisaient de plus en plus présentes. Pride se vidait de plus en plus de son sang. Ils évitèrent de justesse un rayon qui sembla anéantir une cathédrale en bas. Mais ils avaient atteint la distance qu’il fallait pour l’Orgueil. Celui-ci mit sa main gauche sur sa main droite. Sang et ombre se rassemblèrent.
– Crow Claw "Philosopher’s Slash" !

L’ombre l’entoura alors qu’il retirait sa main. Puis il disparut. Entièrement de ténèbres, il traversa la moitié de la distance le séparant encore de Surana, avant de redevenir humain. Il y eut une détonation alors qu’une énorme lame courbée d’ombre et de sang jaillissait dans un long chuintement. L’onde de choc de l’attaque, du fait du dépassement du mur du son, fit voler en éclats nombre de projectiles. La lame en elle-même parvint à toucher un orbe yin-yang corrompu. Pendant quelques instants, la prêtresse rouge fut forcée d’arrêter son attaque.
– Fantasy Nature !

Une aura rouge entoura Reimu, qui dépassa Pride. La lame de ce dernier avait disparu. La prêtresse du Diable vit cette nouvelle menace et reprit son déluge. Elle se concentra sur sa fille mais à sa grande surprise, aucune attaque ne toucha. Tout passait au travers de la miko dont la silhouette s’était faite floue.
Pride n’en revenait pas, derrière. Reimu pouvait ainsi filer tout droit vers sa mère, sans aucun souci ! Mais elle avait tout juste assez de temps pour traverser la distance. Entièrement concentrée sur elle, Surana ne faisait pas attention à Pride qui avançait à son tour.

(♪) Un sourire. C’était ce dont Reimu se souvenait le mieux de sa mère. Un sourire fort et rassurant, doux et protecteur. Le sourire d’une époque heureuse. Il lui avait semblé que le nombre d’incidents était faible. Mais elle avait été si jeune à l’époque.
Elle n’avait pas eu le temps d’apprendre beaucoup de choses. Presque rien, en vérité. Seulement de quoi être une enfant normale. La normalité qu’elle avait recherchée pendant longtemps, pour finalement abandonner.
Une prêtresse du dieu Hakurei ne pouvait pas être normale et elle l’avait vite compris. Maintenant elle était là.
Etait-elle digne de sa mère ? De tous ses ancêtres ?
Les objets sacrés de sa famille étaient là, devant elle. Aux mains de celle qui lui avait manqué, des années durant. Elle s’était fait une raison, depuis.
A présent, elle devait tout récupérer. Dépasser sa propre mère, comme dépasser ses craintes, ses doutes et les fantômes de son passé.  
Il ne restait plus que quelques mètres.

– Les yôkais sont méchants !
Surana regarda sa fille, qui se massait la tête.
– Certains, oui. Ils sont nés des peurs des humains, c’est pour cela. Mais tu peux être amie avec eux.
– Mais ils sont méchants !
Doucement, Surana prit sa fille dans ses bras.
– Pas plus que les humains. Ils ont simplement leur rôle à jouer, comme nous tous. Les yôkais font peur aux humains. Les humains combattent les yôkais.
– Et toi tu te bats contre qui ?
– Tous ceux qui posent des problèmes. Humains ou yôkais. Tout le monde doit pouvoir vivre en harmonie. Ceux qui sont trop dangereux, je les élimine. Mais peut-être trouveras-tu un autre moyen.

Un autre moyen. Les cartes de sort qui étaient créées pour ne pas tuer. Reimu avait mis le système en place et tout le monde l’adoptait. Un jeu, un moyen de régler les conflits sans verser le sang, tout Gensokyo s’était calé sur ce système. Le nombre de morts avait tellement diminué…
Cela aurait-il changé le destin de Surana ? Si ce système était venu quelques années plus tôt, peut-être que oui.
Personne ne pouvait le savoir.
Fantasy Nature allait bientôt se terminer. Reimu avait déjà son autre carte en main. Sa mère serait-elle fière d’elle ? Serait-elle satisfaite de la voir sa fille récupérer les biens des Hakurei des mains des démons ?
Shugo la traversa au niveau du ventre. Surana était toute entière concentrée sur elle. Même dans cet étant, son talent était intact.
Mais Pride n’avait pas dit son dernier mot.
Une lame d’ombre courbée vers l’arrière jaillissait de chacun de ses bras. Profitant de l’inattention de la prêtresse infernale, il avait pu la rejoindre. Il frappa de sa lame droite, obligeant Shugo à parer, détruisant l’arme improvisée.
Les derniers instants.
L’autre lame fut bloquée. Pride remplaça l’ombre par du sang, pour continuer, repartant à l’attaque après avoir été repoussé. Chaque assaut créait une explosion rouge, tant de sang que d’énergie impie.
Mais il finit par être blessé par la lame autrefois sacrée, qui l’envoya en bas. Reimu, elle, laissa un orbe la traverser. Puis sa carte ne fit plus effet.
Un instant pour agir. Amplement suffisant.
– Divine Spirit "Fantasy Seal"

A bout portant, les orbes multicolores emplis d’énergie sacrée jaillirent du corps de Reimu. Surana s’était tournée une fraction de seconde vers elle trop tard. Elle fut incapable d’esquiver l’attaque signature de sa fille qui la submergea complètement.  Reimu fut forcée de reculer, tant du fait de la lumière que du souffle produit par les impacts. Le cercle magique infernal se brisa enfin.
Et le masque d’oni tomba au sol.
Un grand silence retomba. Le Cercle de l’Hérésie tout entier s’était tu. (♪)

Surana était immobile, face à sa fille. Démasquée, son visage était enfin apparent. Ses brûlures aussi, comme pour tout le reste de son corps. Elle n’était plus qu’une âme calcinée, d’abord par le feu de l’hérésie, puis par l’énergie sacrée déployée par sa fille.
Alors qu’une larme coulait sur la joue droite de la prêtresse, Surana se permit un sourire. Il ne le quitta pas alors qu’elle se désagrégeait, laissant les orbes yin-yang revenir à leur propriétaire légitime.
Shugo rejoignit le masque d’oni.
– Adieu, maman.

Surana disparut, définitivement. Mais la tristesse ne fut pas la seule chose à accabler Reimu.
Un malaise naquit dans son esprit. Si fort qu’elle fut obligée de revenir au sol. Ce qu’elle ignorait, c’était qu’elle n’était pas la seule dans ce cas.
Dans tout l’Enfer, les êtres les plus sensibles à la magie regardaient le ciel.
Tout comme Yukari, assise sur le toit de sa maison à Gensokyo. Même les Anges des Cieux regardaient avec appréhension.
Car pour ceux qui pouvaient la voir, sur Terre et au-delà, une immense chaîne était apparue dans la voûte céleste. Une chaîne qui se brisa dans un bruit tonitruant, secouant les âmes et les perceptions.
La même qui s’était brisée autour de la prison de Lucifer. Lequel se mit à sourire, dans sa cage de glace.
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L’Uroboros de l’Enfer : fantastique voyage illusoire - Page 3 Empty
MessageSujet: Re: L’Uroboros de l’Enfer : fantastique voyage illusoire   L’Uroboros de l’Enfer : fantastique voyage illusoire - Page 3 Icon_minitimeSam 7 Juil - 21:18

– Qu’est-ce que j’ai fait ?
Reimu était tombée à genoux. Que se passait-il ? Qu’est-ce que c’était ?
Pride ne répondit pas. Comment ? Pourquoi Surana avait-elle été désintégrée ? Les cartes de sort ne tuaient pas !
A moins que l’Enfer ne change la règle ?
Il regarda Reimu. Peut-être pour la première fois de sa vie, une once de culpabilité commença à peser sur son âme. C’était lui qui l’avait lancée.
– Partons, ordonna-t-il.
Reimu ne l’entendit pas. Elle ne remarqua qu’à peine qu’il la forçait à se relever.
– Ne nous lâche pas maintenant, Reimu !
La plaie barrant son ventre se rappela à son bon souvenir. L’Orgueil avait fini par juguler sa perte de sang en solidifiant ce dernier sur sa plaie. Shugo avait fait ses dégâts. Pride considéra l’arme, côtoyant désormais le masque d’oni.
Un bras d’ombre lui ramena le katana à lame rouge parcouru de stries noires. Il considéra l’arme un instant et la tendit à Reimu. Celle-ci regarda son héritage et en détourna les yeux.
– Comme tu veux. En attendant, j’le garde. Tu peux marcher ?
La prêtresse Hakurei voulut parler. Rien ne sortit. Pride continuait de la soutenir, lui faisant passer un bras au-dessus de ses épaules.
– Tu fais ch…
L’Orgueil se tut. Elle pleurait. Elle venait de perdre sa mère une nouvelle fois et de déchaîner ils ne savaient quelle apocalypse.
Alors il mit sa fierté de côté et la prit dans ses bras. Pour tenter de la rassurer. Essayer de lui dire que les choses allaient s’arranger. Qu’elle avait fait ce qu’il fallait.
Cela dura longtemps. Assez pour que Jealousy et Malbas les rejoignent. Ils étaient accompagnés de Seishi.

Il ne restait plus qu’une chose à faire. La golémancienne damnée guida les autres dans les ruines de la Cité de Dis. Malbas remarqua néanmoins que certains bâtiments se reconstruisaient subitement, quand ils détournaient le regard.
Ils atteignirent ainsi une basilique noire, aussi sinistre que tout le reste. Les cercueils enflammés étaient toujours présents. Malbas utilisa sa géomancie pour sortir celui qui avait le nom de Marisa Kirisame inscrit en lettres de feu dessus.
Jealousy l’aida à forcer le cercueil, après que les flammes se soient éteintes, grâce au Dévoreur.
La sorcière ordinaire fut sortie de son enfermement par Jealousy. Elle portait les ruines de sa robe habituelle et n’avait pas de chapeau. Tout son corps était brûlé et la première chose qu’elle fit fut d’hurler de douleur.
– Vous feriez mieux de la transmuter dès que possible, commenta Seishi.
Malbas regarda Reimu, l’interrogeant du regard. La prêtresse avait séché ses larmes mais était encore soutenue par Pride. Il l’aida à atteindre la jeune femme brûlée.
– Désolée… D’avoir autant tardé.
Elle tenta un sourire, qui fut minable. Se dégageant de l’Orgueil, elle puisa dans ce qu’il lui restait de forces pour étreindre son amie de toujours.
– On va te sortir de là…
Cela fonctionna. Marisa se calma, peu à peu. Malbas attendit un peu avant de la transmuter en pierre rouge. Celle-ci était un cristal dont la forme rappelait une pyramide au sommet ébréché.
Jealousy fit le tour des troupes. Tous étaient épuisés mais seul Malbas était à peu près entiers. Reimu avait des blessures un peu partout, Pride aussi mais sa plaie à l’abdomen était le plus visible. Et lui-même était parcouru de brûlures infligées par Alastor.
Il était plus que temps de rentrer.
– C’est ici que nos chemins se séparent. Merci de votre aide, Seishi Kodoku.
L’intéressée s’inclina. Son destin était aussi tragique qu’immuable.
– Prenez garde à vous. Nous nous reverrons peut-être dans une autre vie.
Et ils partirent, la laissant derrière. Elle les regarda, l’air toujours aussi indéchiffrable.

Le voyage de retour se fit dans le silence complet. Le groupe d’explorateurs rejoignit le Cinquième Cercle. Ce fut là que Komachi les accueillit sur sa barque. Elle assura ainsi le trajet retour jusqu’à Limbo. Malbas fut le seul à amener les pierres devant Méphistophélès.
– Nous avons gagné, fit-il.
– Vous me faites chier, vous tous, vous savez ? Cet endroit ressemble à un moulin, remarqua le juge des âmes avec un ennui certain.
Il enfourna un œil, pour la peine.
– Mais je ne m’en fais pas. Ce qui doit être ici finira ici. Surtout la petite Marisa Kirisame. Elle a vendu son âme. Quoi qu’il arrive, elle terminera son existence en Enfer, aux côtés des démons.
Malbas ne savait qu’y répondre. C’était très certainement vrai. Mais à ce sujet, ils ne pouvaient rien y faire.
– De nouveaux arrangement peuvent toujours se faire, nota-t-il néanmoins.
Le roi du Premier Cercle éclata de rire.
– Tu me plais. Je suis sûr que quand tu seras à nouveau devant moi, on trouvera un accord pour travailler ensemble.
– J’en doute.
Sans attendre, Malbas quitta les lieux. Il en avait fini. Méphistophélès le regarda partir, se tournant vers une figure jusque-là invisible.
– Merci du coup de main, Seishi. Sans toi, ces guignols auraient beaucoup trop galéré. Ne t’en fais pas, je tiens toujours parole, tout va bien se passer pour toi, maintenant !
Il regarda son bureau et remarqua la petite note accrochée là. Son sourire s’agrandit et il fouilla dans ses tiroirs. Juste de quoi sortir un vase rempli de fleurs bleues, qu’il posa à l’opposé de son bol d’yeux.
Quel dommage que la prêtresse n’avait jamais pu les trouver.

(♪) Ils revinrent ainsi à l’Eientei, sous la surprise d’Eirin.
– Vous avez fait vite. Cela ne fait pas une heure que vous êtes partis, nota-t-elle dans la stupeur générale.
Un détail qui tira un rire nerveux à Malbas. Ce petit détail infernal sauvait certainement leurs patientes. Il fallait espérer que leurs âmes n’étaient pas trop abîmées.
Les opérations se firent avec Eirin, Malbas et Kaguya. C’était le pouvoir de cette dernière qui avait gardé les corps en l’état, autre condition à cette pseudo-résurrection. Il était également question de médicaments, crées grâce à la princesse sélénite déchue, qui permettrait à ces survivantes de se stabiliser.
Malgré leur état, Reimu, Jealousy et Pride étaient restés. Ce dernier avait serré les dents avant de rejoindre le monde réel mais force était de constater qu’il était encore là. Il était libre.
Une heure passa. Puis deux. Puis trois. Finalement, Eirin vint à eux.
– C’est bon… Mais les dégâts psychologiques sont considérables. Elles resteront toutes ici pendant plusieurs semaines, je ne saurais indiquer une durée précise.
Cette fois, les quelques larmes qui coulèrent des yeux de Reimu furent de soulagement.
– Merci, Eirin. Merci pour tout.
– Mademoiselle Hakurei, j’aurai grandement besoin de vous. Ne serait-ce que pour le cas de mademoiselle Kirisame. Un soutien psychologique sera primordial et vous êtes la plus à-même de l’aider.
– Elles ne sont pas encore tirées d’affaire, hein ? nota Jealousy.
– Pas entièrement. Mais le plus gros est fait. Soyez cependant assurés qu’elles ne seront jamais entièrement comme elles étaient auparavant. Le chemin à parcourir pour la guérison sera long mais aussi long sera-t-il, certaines choses ne peuvent pas être retrouvées.
– C’est entendu.
Reimu avait dit ça avec inquiétude. A quel point Marisa allait-elle changer ? Les semaines à venir seraient très certainement difficiles.

Mais l’heure était au repos. Et tous étaient conviés, forcés s’il le fallait, à rester à l’Eientei.
– Tu crois qu’elle va s’en remettre ? demanda Jealousy à Pride.
Le duo était à l’extérieur de l’hôpital. Leur rôle s’arrêtait là, dans cette histoire.
– J’en sais rien. Dans tous les cas, j’ai un joli sabre. Elle aura qu’à venir le récupérer quand elle se sentira prête.
– Tu ne peux toujours pas la piffer ?
Pride roula des yeux et eut un rictus.
– Je ne me gênerai pas pour lui en coller quelques-uns dans le nez quand elle viendra.
Jealousy eut un petit rire. Pride restait Pride.
– Heureux ? Tu as enfin réussi.
L’Envieux regardait son homologue avec le sourire.
– T’imagines pas à quel point. Tu vas être tout seul, désormais, Jealousy.
Le polymorphe passa sa main gauche dans ses cheveux noirs, levant la tête vers le ciel étoilé.
– Pas vraiment. Quand on pourra sortir sans avoir une Reisen enragée aux basques, je retournerai au Manoir du Démon Ecarlate. J’ai un peu trop négligé Flandre ces temps-ci. Puis j’irai dans l’Ancienne Cité. Yuugi doit m’apprendre des trucs et j’ai… Quelques petites choses à faire.
– Genre, Parsee.
Jealousy haussa les épaules.
– On verra. Passe, si tu veux. Tu vas me manquer, salopard.
L’Orgueil se pencha vers lui.
– Si tu passes au Monde des Morts, je te promets que je vais me faire un plaisir de t’éclater.
– Vous êtes déjà séparés et vous voulez déjà vous battre ?
Le duo se tourna vers Youmu, qui venait d’arriver. Elle tenta de masquer sa surprise à voir les deux dans deux corps séparés, mais ce n’était pas gagné.
Mais rapidement, ce fut autre chose qui l’envahit. Car sous la lune et les étoiles, Pride lui sourit. Il avait réussi.
Et elle lui sourit en retour. Oui, il avait réussi. C’était une toute nouvelle vie qui s’offrait pour chacun d’entre eux.
Et cela la rendait très heureuse.
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Jealousy
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MessageSujet: Re: L’Uroboros de l’Enfer : fantastique voyage illusoire   L’Uroboros de l’Enfer : fantastique voyage illusoire - Page 3 Icon_minitimeLun 29 Avr - 21:40

Chapitre 39 : Panser ses plaies
 
"Ne pas perdre espoir, quoi qu’il arrive. Cela semble niais, mais cela a aidé chacun d’entre nous au moins une fois."
Surana Hakurei
 
(♪) – Ils sont là !
Jealousy avait parlé malgré sa forme d’aigle noir. Il venait de repérer Reimu et Pride et se posa non loin d’eux. Lui, comme tous les autres, était en sueurs, tremblants.
Quelque-chose s’était brisé. Il ignorait ce dont il s’agissait, mais c’était mauvais. Ils ne devaient plus traîner ! Mais ce qu’il vit en cet instant le perturba. Cela faisait un choc.
C’était la première fois que Pride et lui étaient séparés de cette façon.
Ce fut alors qu’il percuta. Ils étaient séparés. Pour de bon. Ou temporairement, selon Malbas et son scepticisme. Le voir de ses propres yeux lui faisait quelque-chose. Une angoisse, celle d’être tout seul, commença à poindre. Mais elle fut rapidement soufflée par autre chose. Pride allait être heureux. Il allait pouvoir vivre.
Il était libre. Libéré des erreurs de son créateur, libéré du pacte et de ses contraintes. Libre de passer tout le temps qu’il voulait avec Youmu.
Pour une fois il n’y avait aucune envie. Seulement une certaine admiration, pour avoir fini par atteindre ce but. Puis aussi, comme un soulagement. Il était simplement heureux pour celui qui était devenu un véritable ami et qui lui avait sonné les cloches nombre de fois auparavant.
Mais d’ailleurs… Etait-il en train de tenir Reimu contre lui ? Elle… Pleurait ? Quelle était donc cette vision improbable ?
Que s’était-il passé ?
Les pensées de Jealousy s’assombrirent. Il revint à la réalité, à la gravité de leur situation. C’était anormal. Il consulta Malbas et Seishi des yeux. Le Dévoreur lui renvoya un regard confus. Pride n’était pas du genre émotif ou réconfortant. Le voir agir ainsi parlait de lui-même.
Reimu était hors de danger et pourtant il avait l’impression d’arriver trop tard. Il… Ne savait pas quoi faire. Alors il attendit, avec angoisse, relégué au rang de spectateur comme l’avait si souvent été l’Orgueil.
Pride murmurait. Que disait-il à la prêtresse éplorée ? Jealousy ne pouvait pas l’entendre. C’était à lui de jouer…

Ils n’en avaient pas parlé. Cela faisait deux semaines, peut-être le double, déjà. Il n’avait pas fait attention. Les premiers jours étaient passés en mode pilote automatique, sans qu’il ne les remarque. Il n’avait pas été le seul, il s’en doutait. Il était resté ainsi à l’Eientei pendant une durée qu’il ne parvenait pas à estimer avant d’avoir le droit de partir.
Jealousy ignorait toujours la teneur de ce qu’il avait vu à la fin de leur aventure. Il n’avait pas vraiment envie d’y penser. Il n’était pas sûr de vouloir savoir. Toujours allongé dans le lit qui lui avait été attribué, il regarda ses bras. On ne les voyait presque plus, mais les reliquats des brûlures infligées par les chaînes d’Alastor étaient toujours présents.
Ce qu’il s’était passé en Enfer avait laissé des traces. Physiques ou mentales, certaines promettaient de rester pendant longtemps. Le regard de l’Envieux se porta sur le plafond.
Normalement, Pride aurait parlé. Il lui aurait signalé qu’il était grand temps d’arrêter de flemmarder. Ce silence permanent dans son esprit, pourtant normal, lui restait très désagréable. Il n’arrivait pas à vraiment s’y faire. Pourtant, les choses étaient bien mieux ainsi, c’était une évidence.
Finalement, Jealousy se leva. Ses yeux se promenèrent sur la table de chevet en bois, à sa gauche. Etait-ce d’époque ? Le mobilier du Manoir du Démon Ecarlate avait ce côté vieillot... Cela faisait partie de son charme. Et puis cela lui rappelait un peu l’occident, dans ce bout de Japon scellé qu’il squattait allègrement.
Le changeur de forme s’étira et sortit enfin. La pause avait assez duré. Enfin, « pause ». Replonger dans ses souvenirs infernaux n’était pas l’activité qui le détendait le plus. Il ne pouvait tout de même pas s’en empêcher. Cela s’accrochait à son esprit, se rappelait à lui à la moindre occasion. Tout ce qu’il avait vu et entendu, ce qui avait failli se passer dans le second cercle, sa…
Sa famille qu’il avait envoyée là. Tous ses membres enfermés, condamnés à un sort pire que la mort. Le poids de ce péché l’écrasait plus que jamais. Il était coupable, indubitablement et se sentait indigne des bonnes choses qui pouvaient lui arriver. Mais il ne le montrait pas. Il ne devait pas le montrer. De plus, comme l’aurait dit Pride, se lamenter ne pouvait rien changer. Il devait… Trouver un moyen de changer ça.
Il put faire trois pas, une fois sorti de la chambre, avec ces pensées pesant sur son esprit.

(♪) Trois pas dans le couloir avant qu’un hurlement à réveiller les morts ne se fasse entendre.
– JEAAAAAAAAAAAAAAAAAAAL !!!
Vif comme l’éclair, l’Envieux se tourna dans la direction du vampire qui lui fonçait dessus. Plus important encore, sa peau se recouvrit de carbone, tandis que ses os intégraient celui-ci à leur structure. Le revêtement ne serait pas assez rapide pour recouvrir tout son corps, mais il sauva ainsi ses côtes lorsque Flandre le percuta comme un boulet de canon.
Il recula d’un bon mètre en serrant les dents. Toutes ses mauvaises pensées étaient désormais remisées au placard.
– Moins fort Flandre, s’il te plaît… Je ne guéris plus, maintenant…
– Oups, pardon, j’ai oublié !
La petite fille sautilla sur place, après s’être éloignée d’un pas.
– Tu joues avec moi ? S’il te plaît, s’il te plaît, s’il te plaîîîît ?
Il la considéra un instant. Bon sang mais comment pouvait-il dire non à une bouille pareille ? Ses grands yeux rouges ne le lâchaient pas et elle se mordillait la lèvre inférieure, préparant déjà ses supplications en cas de refus.
– Pas trop longtemps… Tu sais que j’ai du travail, maintenant.
Ce fut tout ce qu’il put articuler avant que la benjamine ne hurle à nouveau, de joie cette fois, avant de l’attraper par le bras gauche et l’emmener. Ou plutôt le traîner, étant donné l’allure qu’elle avait et la force qu’elle y mettait. Jealousy ne se débattit pas, il savait que c’était parfaitement inutile. Cela l’amusait aussi, en vérité.
Il était là depuis sa sortie de l’Eientei, ordre de Remilia. Cela ne l’empêchait pas d’aller au village humain tous les jours. C’était qu’il avait trouvé de quoi gagner de l’argent et ne voulait pas rester oisif. Doku, elle, était restée du côté de la Forêt de la Magie et du village. D’un côté, pour ne pas que la maison ne soit complètement abandonnée aux humeurs alcoolisées de Suika, de l’autre car elle s’était trouvé un emploi de serveuse, dans un établissement dudit village. Les petites leçons que lui avait prodigué Sakuya s’avéraient bien utiles !

L’Envieux fut ainsi entraîné jusqu’à la chambre de Flandre. Toujours située dans les sous-sols, son grand lit à baldaquin côtoyait les peluches en état plus ou moins valable. Certaines n’avaient plus de tête, ou il leur manquait un membre. Cela ne les empêchait pas d’être colorées. A gauche de la pièce se trouvait une grande horloge. Son opposée était une modeste bibliothèque occupant la façade droite de la pièce. Il n’aurait pas fallu attendre bien longtemps avant que Jealousy ne soit coincé par son contenu, puis par ses histoires qu’il devait lire. Non pas que Flandre ne savait pas le faire, mais elle raffolait trop des imitations du changeforme pour s’en passer.
– Non, plus petit ! Il doit être plus petit !
Jealousy opina, dans sa forme d’emprunt de samouraï errant. Dans crépitements verts, il ajusta progressivement sa taille vers le bas jusqu’à ce que Flandre lui donne son approbation.
C’était leur grand jeu. L’Envieux lui lisait une histoire mais prenait la forme des personnages, surtout lorsque ceux-ci parlaient. Cela demandait d’abord qu’ils se mettent d’accord sur l’apparence dudit personnage, ce qui pouvait prendre un moment. Bien entendu, la petite fille avait le dernier mot. Le plus dur pour le changeforme était de suivre le rythme.
Il avait pris un livre au hasard, comme d’habitude. Flandre s’en gardait quelques-uns, régulièrement renouvelés. Elle aimait bien qu’on lui lise des histoires. Généralement, c’était Meiling qui s’en chargeait. C’était amusant de voir à quel point les deux s’entendaient bien. La bonne humeur de Meiling aidait, naturellement. Seuls les indésirables pouvaient ne pas s’entendre avec elle.
L’histoire du jour était une fresque épique. La bataille terrible d’humains contre un tyrannique seigneur oni. Jealousy ne se serait pas forcément attendu à tomber sur ça à Gensokyo mais les livres de Voile pouvaient bien venir d’au-delà de la barrière. Il se rendait également compte qu’il ne s’était jamais intéressé à la mythologie japonaise. Cela lui aurait été bien utile. Ne serait-ce que pour faire le tri entre ce qui était vrai ou faux. Les onis que ce groupe de guerriers allaient exterminer avaient-ils existés ? Jealousy songea à demander à Yuugi et compagnie quand il les reverrait. Il continua l’histoire, qui se terminait bel et bien avec le massacre des ogres orientaux sur le Mont Ooe. Détail qui ne fit pas du tout tiquer Flandre.
– On continue ! décréta la fillette, lorsque le livre fut rangé.
– Flandre…
Elle fit la moue.
– Mais on vient de commencer !
– Cela fait déjà plus d’une heure. Deux, en fait.
Elle regarda son horloge. Puis rougit.
– Je… J’avais pas vu, bredouilla-t-elle.
Elle fit des nœuds avec ses doigts. Elle aurait aimé trouver un prétexte pour qu’il reste plus longtemps mais c’était peine perdue, elle le savait. Elle gonfla ses joues de frustration.
– C’est pas juste…
– Je sais Flandre, mais je repasserai demain.
Le visage de la petite fille s’illumina. Jealousy trouva cela adorable. Et effrayant. Les changements d’humeur du vampire étaient toujours si soudains… D’autant que désormais, elle pouvait le tuer en une fraction de seconde.
– Oh, c’est vrai ! Tu pourras donner ça à Marisa, alors ? s’exclama-t-elle soudain.
Jealousy regarda la petite fille se lever pour aller fouiller dans ses affaires. Elle en sortit une feuille.
– Une lettre ? devina l’Envieux.
– Oui ! Je ne peux pas aller la voir alors voilà. J’espère que ça lui fera plaisir ! Je voulais demander à Sakuya mais c’est plus la peine !
– Pas de soucis, je m’en charge, fit le polymorphe avec un sourire.
Mais diable qu’elle était choupie quand elle s’y mettait. Et cela aiderait sans doute la sorcière… Au moins un petit peu. Elle en avait bien besoin.
– Du coup, il faut que je te paye ? s’enquit le vampire.
Le postier eut un petit rire.
– Pour toi, c’est gratuit !
Flandre écarta les bras et se permit une exclamation de triomphe.
– Ouaiiis, t’es l’meilleur !!!
L’intéressé aurait bien aimé approuver mais il était loin de le penser. Il s’abstint, de fait, mais ne put s’empêcher de sourire.
– Allez j’y vais. A demain, Flandre.
La petite fille lui ferait de grands gestes de la main pendant qu’il quittait la chambre souterraine. Il en profita pour faire un détour du côté de Voile. Quitte à rester sous terre…

(♪)  Il faillit, comme souvent, éternuer une fois entré. La poussière restait une calamité là-dedans. Comme quoi, rien n’y changeait jamais. Etant donné le nombre de livres là-dedans, c’était peut-être pour le mieux.
Jealousy laissa son regard dériver sur les rayonnages. Au moins avec tout ça, Flandre avait de quoi avoir de la lecture. Elle avait beau être là depuis des siècles, il y avait toujours de nouvelles histoires à lui raconter.
A force, l’Envieux connaissait le chemin vers l’aire de lecture de Patchouli. La magicienne peu ordinaire était penchée sur un épais grimoire, debout au milieu d’autres livres ouverts et d’une poignée de feuilles couvertes d’une écriture illisible au commun des mortels. Koakuma accourait déjà, une pile de livres dans les bras.
– Oh, bonjour ! lui fit-elle avec entrain, avant de tendre un premier ouvrage à sa patronne.
Celle-ci leva brièvement les yeux vers le polymorphe, se fendant d’une salutation à peine audible, avant de tourner rapidement les pages de ce que lui avait tendu la démonette.
–  Salut tout le monde. Je passais juste dire bonjour mais je vois que vous êtes en pleine recherche.
– Reste donc un instant. Ce que nous cherchons te concerne directement, le contredit Patchouli.
Jealousy masqua mal sa surprise et s’approcha.
– Plait-il ?
– En réalité, cela fait longtemps que ton cas intrigue Rémy. Qu’il s’agisse de tes capacités ou de ta double personnalité, cela a titillé sa curiosité. Surtout en sachant que tu es un humain. Jusque-là, nous n’avions rien trouvé de probant mais avec les nouveaux éléments apportés par votre passage en Enfer…
Jealousy se sentit mal à l’aise. Il avait parlé des cercles et de ce qu’ils avaient vu, ainsi que des paroles d’Alastor. Cette histoire comme quoi il était lié à ce démon, Léviathan… Il espérait néanmoins que son pacte de sang n’avait pas été découvert. Justifier ses actions était impossible.
– Léviathan. C’est un nom qui revient dans des écrits d’Occident. De ce que j’ai pu compiler, il serait le Démon de l’Envie. Un démon primordial à la forme de serpent de mer géant. On lui prête le pouvoir d’avaler les âmes pour les transporter en Enfer. Cela expliquerait ce que j’ai vu dans ton esprit et comment ceux que Pride a dévoré son atterri en Enfer.
– Mais… Mais qu’est-ce qu’il vient faire là-dedans ? J’avais déjà Pride, des âmes à ne plus savoir quoi en faire, je n’ai pas non plus un archidémon à l’intérieur de moi ? Ça n’a aucun sens !
Qu’est-ce que cela signifiait ? Qu’est-ce que ce truc venait faire dans cette histoire ?
– Tout porte à croire qu’il est scellé en toi. La raison exacte m’est encore inconnue. Je crains que s’il se libère, il causera beaucoup de troubles. Vu l’état de Reimu et Marisa, qui règlent tous nos incidents, ce sera un peu plus difficile que d’habitude.
– Mais je ne comprends pas. Pourquoi diable foutre ça là ? Et pourquoi on l’a pas remarqué avant ?
– J’ai la sensation que nous ne parlons pas d’un démon très malin… Mais d’une bête. Une bête féroce ne demandant qu’à se déchaîner. Quant à ta dernière question, le sceau est particulièrement puissant. Sans parler de tout ce qui encombrait déjà ton esprit. Tu l’as dit toi-même, tu avais toutes les âmes de ta pierre et Pride en plus ? Sans tout cela, Léviathan est bien plus clair et son influence plus grande. Es-tu sûr de n’avoir jamais remarqué quelque-chose de monstrueux ?
Jealousy n’eut pas à beaucoup réfléchir.
– Si, si… Outre mes « crises » de gamin pourri gâté, j’ai déjà pu me transformer en… Des formes énormes et pas très jolies à voir. Mais je pensais que c’était juste moi qui était pourri de l’intérieur. Tu penses que c’est à cause de l’influence de ce truc ?
– C’est possible. Tout comme la transformation de Doku en yôkai pourrait en réalité être du fait de la proximité avec ce démon, ou même la présence maléfique parfois ressentie en toi pourrait être attribuée à Léviathan et non à Pride.
Patchouli était imperturbable mais l’Envieux, lui, était clairement perturbé par tout ça. C’était bizarre. Qu’est-ce que le diable avait à gagner à mettre un archidémon en lui ? Scellé, qui plus est ?
– Mais je ne pige pas… Si le sceau est encore actif, comment pourrait-il avoir une influence quelconque ?
– Les sceaux ne sont que rarement complètement hermétiques. De plus, il est probable qu’il soit en train de s’affaiblir, avec le temps.
Jealousy se massa les tempes.
– Moi qui pensais être enfin moi-même… Ça n’a pas de fin.
Il y eut un silence. Le polymorphe remarqua alors que la libraire le fixait intensément. Koakuma jeta un regard étrange à sa supérieure.
– C’est justement toute la question. Qui es-tu exactement ?
L’Envieux lui renvoya son regard. La réponse lui paraissait évidente. Il ouvrit la bouche pour la formuler mais il n’y parvint pas.
Qui était-il vraiment ?

Il s’était longtemps posé cette question. D’abord perdu sans mémoire dans un autre monde. Puis perdu ailleurs encore en luttant contre ses instincts meurtriers et une seconde personnalité.
Un ado faisant une crise de jalousie aussi idiote que disproportionnée. Un type perdu amnésique. Un déséquilibré sociopathe et violent. Un envieux. Rien de bien glorieux. A tel point que quelque-chose clochait. Il ne s’en rendait compte qu’en cet instant.
Ce pacte était compliqué. Beaucoup trop compliqué. L’envoyer dans un autre monde sans mémoire avec en prime un Dévoreur cherchant à l’abattre, puis réclamer sa famille et des âmes tous les deux mois. Le tout en faisant naître une seconde personnalité devenant complètement indépendant et avec en prime un démon scellé à l’intérieur de lui-même.
Cela n’avait pas de sens. Lucifuge lui avait fait la proposition de remplacer l’impôt par le meurtre de Reimu mais même avec ça, c’était absurde. La proposition était presque alléchante, mais l’Envieux avait bien compris que les conséquences seraient cataclysmiques pour Gensokyo. C’était un piège presque trop évident.
Alors quoi ? Pourquoi se prendre la tête à ce point ? Qu’est-ce que le diable cherchait à faire exactement ?
Qui était-il vraiment ? Désormais, Jealousy n’en était plus certain. Il avait la sensation que tout ce qu’il avait cru savoir s’était avéré faux. Il avait été empêtré dans une toile de mensonges dont il ne parvenait que maintenant à discerner les fils.
Tout ceci commençait à avoir des relents de mascarade. Il avait été manipulé depuis le début pour un objectif qui lui échappait encore mais… C’était certain. Léviathan était la clé. Il n’y avait aucune raison que le malin se soit autant investi dans un pacte sans bonne raison.
– Je suis Jealousy et c’est tout ce dont je suis sûr. Ça… Et le fait que je ne suis plus l’humain que j’ai jadis été dans le monde extérieur.
Patchouli le jaugea encore un instant avant de retourner à son livre.
– J’imagine que cela suffira. Fais bien attention. A la moindre occasion, cette chose tentera de se libérer.
– Je vais tenter de faire gaffe. Sinon, Flandre m’a filé une lettre à remettre à Marisa. Tu as aussi quelque-chose à lui transmettre ?
– C’est déjà fait, répondit la magicienne sans relever les yeux.
– Ah. D’accord. Non mais comment vous voulez que je gagne quoi que ce soit si tout le monde se débrouille très bien sans moi.
– Les humains du village sont les plus nécessiteux d’un postier pouvant aller un peu partout à Gensokyo. Les yôkais et nous-mêmes n’en avons pas vraiment besoin. Pour le Monde Souterrain, je ne peux pas me prononcer. Cela dit, tu pourras sans doute épargner des aller-retours à Sakuya en nous livrant des courses.
– C’est ce que j’ai fait ce matin, en fait…
Forcément, à ne jamais sortir de sa bibliothèque, ou si peu, elle ne pouvait pas trop le savoir.
– Et bien tant mieux. J’ai également cherché quant à la chaîne que vous avez vu être détruite mais là… Je n’ai rien trouvé pour l’instant. Le fait que ce n’est certainement pas de bon augure n’est pas une nouveauté.
– D’accord, d’accord… Merci pour ton aide en tout cas.
Toujours plus de questions. Cela en devenait lassant. Le polymorphe laissa le duo sur ces entrefaites, repartant du sous-sol du manoir.
Koakuma le regarda partir. Elle se mordit la lèvre inférieure et tourna la tête vers Patchouli.
– Ne devriez-vous pas lui dire de suite ?
La magicienne lui renvoya son regard.
– Non. C’est trop risqué. Nous ignorons comment il pourrait réagir. Je ne veux pas envenimer les choses… Cela doit venir naturellement.
L’assistante reporta son regard sur la direction prise par le polymorphe. Elle n’allait pas protester mais le doute agitait son esprit. Etait-ce vraiment une bonne idée ? Elle ne le connaissait pas assez pour en juger…

(♪) Pour Jealousy, rejoindre l’extérieur fut rapide et il accueillit le retour du soleil avec un sourire. Pour le voir disparaître un instant plus tard derrière un nuage gris semblant faire au bas mot la taille de Gensokyo. Tant pis pour le beau temps….
Il traversa la cour du manoir, notant que malgré le froid qui s’installait, les plantes taillées se portaient très bien. Cela n’allait-il pas bouger même en hiver ? Au moins cela laissait l’occasion à Meiling de faire autre chose que garder la porte.
C’était d’ailleurs son occupation du moment. Adossée au mur d’enceinte, bras croisés, elle tourna la tête vers le polymorphe lorsqu’il ouvrit le haut portail de fer forgé pour sortir.
– Rebonjour, Jealousy. J’imagine que tu as été retenu par Flandre ?
Comme toujours, elle souriait. La manière dont elle se débrouillait pour tenir ce poste affreusement ennuyeux et sans cesse être de bonne humeur était inconnue au changeur de forme et cela le sidérait.
– Bien sûr… C’est difficile de lui dire non. Surtout en sachant qu’elle reste seule la plupart du temps.
– Tu te sens coupable, n’est-ce pas ?
Si elle savait…
– Oui… Tu n’as pas idée… Heureusement que Remilia tolère ma présence.
– C’est assez rare pour être signalé, oui. Tu sais pourquoi, d’ailleurs ?
– Oui. Je crois que mon cas l’intéresse. C’est ce qu’a sous-entendu Patchouli.
Jealousy ne savait pas trop quoi en penser. Certes cela avait le mérite d’expliquer les choses mais tout de même… Il avait la sensation que finalement, il allait être le dindon de la farce.
– Ton cas ? … C’est bizarre, nota Meiling en prenant un air songeur.
– Oui, oui. Enfin au moins je peux être avec Flandre. Je sais qu’elle aimerait que je sois là plus souvent mais bon…
« Je ne peux pas trop me le permettre, d’autres personnes m’attendent », pensa-t-il très fort.
– Bah, ne t’en fais pas. En ton absence et une fois mon service terminé, je prends la relève.
– Je sais bien. T’assure, quand même.
Meiling eut un petit rire qui sembla bien gêné.
– Pas tant que ça, tu sais. Si Reimu ou Marisa veulent passer, je ne peux rien faire pour les en empêcher. Ce qui ne m’empêche pas d’essayer, bien sûr. C’est mon devoir.
– Et moi mon devoir, ça va être de me balader partout en livrant des trucs ! Tout l’inverse du tien, en fait.
Meiling rit un peu.
– C’est bien vrai ! Comment en es-tu arrivé là ?
Jealousy haussa les épaules.
– Complètement par hasard. Il y avait une annonce au village. Visiblement le précédent en avait marre de manquer de se faire bouffer à chaque fois qu’il quittait le village. Et puis pour des grosses charges, c’était trop chiant.
– C’est vrai que tu es avantagé pour ça… Et bien bon courage.
– Merci. Mais et toi du coup ? Comment t’en es arrivée à garder ce manoir ?
L’Envieux venait de se rendre compte qu’il n’avait jamais posé la question. Pourtant, elle était loin d’être idiote.
– Oh ? Et bien cela remonte… C’était bien après que j’aie quitté les onis.
– Comment ça « quitté les onis » ?
Meiling eut un instant de doute et eut une moue embarrassée.
– Ah, zut, je ne t’en ai pas parlé non plus !
– Bah non.
Jealousy avait des yeux ronds. Qu’est-ce que quoi ? A bien y réfléchir, Meiling avait évoqué Yuugi. Les deux devaient donc se connaître.

La gardienne regarda un instant le ciel, comme pour y chercher l’inspiration. Difficile avec la grisaille. Jealousy, lui, se rendit compte qu’il n’était pas prêt de repartir bosser. Mais il n’avait pas le cœur à la stopper.
– Quand j’étais jeune… Et c’était il y a bien longtemps… J’étais toute seule. Et, je dois dire, vachement moins sympa que maintenant !
Elle fit un petit sourire moqueur.
– Imagine une petite peste d’un mètre cinquante cherchant des noises à tout et tout le monde.
– Bizarrement, je n’ai pas tant de mal que ça à imaginer la chose. Mais tu as bien changé, c’est le moins qu’on puisse dire.
– Oh que oui. En tout cas, un beau jour, j’ai été chercher la mauvaise personne. Enfin. Le mauvais oni.
– Yuugi ?
– Non, pire. Jôgikane Torakuma, chef des quatre devas de la montagne. A l’époque, elle régnait sur un clan d’onis qui s’amusait bien en pillant les villages humains alentours. Je n’aurais pas pu mal choisir ma cible. Je me suis pris… Une sacrée défaite. A vrai dire, je pensais qu’elle allait me tuer.
– Ah oui quand même.
Jealousy avait écarquillé les yeux. Ce n’était pas la tendresse chez les yôkais.
– J’ai eu de la chance. Mon tempérament plaisait à Yuugi alors elle m’a pris sous son aile. Un peu comme toi en ce moment. Même si j’étais plus jeune.
– Oh. C’est une habitude chez elle, on dirait.
– On dirait oui. Même après toutes ces années, j’imagine qu’elle doit toujours chercher le combat. Et le bon combat, où elle peut être en difficulté.
– C’est ça…
C’était bien pour ça qu’elle voulait qu’il s’améliore. Pour qu’il puisse lui donner des frissons et pas se faire avoir en trois coups. Il doutait d’y arriver en une vie humaine.
– Ce n’est pas prêt d’arriver, ajouta-t-il.
– Elle était déjà forte à l’époque, elle n’a pas dû s’affaiblir depuis ! s’exclama la gardienne.
– Ah ça… Mais du coup, pourquoi tu n’es pas dans le Monde Souterrain avec elle ?
Meiling ne répondit pas immédiatement. Son regard s’était assombri. L’étincelle de bonne humeur qui y brillait perpétuellement avait été remplacée par un voile, d’abord de nostalgie puis… D’autre chose.
– Nous avons dû nous séparer. Désolée… Je n’ai pas envie de parler de ça. Mauvais souvenirs. Un peu comme toi qui refuse obstinément de raconter ce qu’il s’est exactement passé en Enfer.
Le polymorphe eut un petit sourire. Bien joué.
– D’accord… Comme tu le sens. J’imagine qu’on fera l’échange un jour.
Meiling se remit à sourire.
– C’est exactement ce que j’espère ! Allez, file ! Sinon ça va se retourner contre toi.

Elle avait raison. A trop faire traîner, le polymorphe allait arriver à la bourre et trop faire attendre les gens. Un comble à Gensokyo où peu de choses paraissaient si pressées mais… Il avait fini par faire le deuil de la compréhension en ce monde.
Il quitta son amie sur ces bons mots, s’envoler sous forme d’aigle noir. Il avait du travail…

(♪) – Ce n’est pas ta faute.
Reimu l’avait entendu. Elle pleurait toujours contre lui. Ses larmes se mêlaient au sang qui maculait désormais le corps de l’Orgueil. Il ne le montrait pas, mais il n’en pouvait plus. Il mourrait d’envie de s’effondrer de fatigue. Il n’en avait pas le droit.
Au loin, tout autour d’eux, les cris des damnés berçaient les sens. Leur détresse lui paraissait bien pâle face à celle de la jeune femme.
– Je… Pardon Reimu. Je t’ai poussé à faire ça. Si tu dois en vouloir à quelqu’un…
Il déglutit. Il ne savait vraiment plus quoi dire pour qu’elle se reprenne, même un peu. Mais loin de lui l’idée de mentir.
– Alors si tu dois accuser quelqu’un, accuse-moi ! Accuse le Diable, les démons, tout ce que tu veux. Mais pas toi. Pas toi Reimu… Tu as fait tout ce que tu pouvais. Je suis sûr... Sûr que tu as fait ce qu’il fallait.
Les pleurs commencèrent à se tarir, peu à peu. Reimu murmura quelque-chose. Elle dû s’y reprendre à trois fois avant que Pride ne puisse enfin l’entendre.
– Souri… Elle m’a souri…
– Alors… Ne t’en fais pas, Reimu. C’est qu’elle est fière de toi. Comme beaucoup le sont. J’en fais partie. Et quoi qu’il puisse arriver, quel que soit le plan des démons après ça… On sera à tes côtés. Je serai à tes côtés. Peu importe ce que cette chaîne pétée libère. On ne te laissera pas tomber. Je te le promets.
Le silence s’installa quelques secondes.
Il ne pouvait pas vraiment comprendre ce sentiment. Il n’avait pas vraiment de parents. Il n’avait pu voir que du côté de Jealousy et ce n’était pas vraiment une vision permettant de se faire une idée. Mais cela ne changeait rien. Ses mots étaient vrais. L’heure n’était plus aux faux-semblants et aux sursauts d’orgueil.
– Merci.
La voix de Reimu était faible et sa motivation minime. Mais elle avait fait l’effort. Le sourire final de Surana était la seule chose qui l’avait empêchée de complètement s’effondrer. A présent, pour avancer, il restait Marisa à retrouver.
Mais elle n’avait plus la moindre force. Qu’à cela ne tienne ! Pride passa le bras de la prêtresse sur ses épaules. S’il fallait l’aider à avancer, il s’en occuperait ! S’il fallait la porter pour surmonter ça, il n’hésiterait pas !
Ses yeux mauves croisèrent ceux, verts, de son ancien compagnon spirituel. En d’autres circonstances, il aurait ri. Mais pas à cette occasion. Il s’abstint de tout commentaire et, du regard, Pride lui indiqua qu’il valait mieux reléguer ça à plus tard.
Ils avaient encore une sorcière ordinaire à sauver avant de sortir de là…

Le ciel était encore bleu, loin des couleurs angoissantes de son souvenir. Pride venait de rouvrir les yeux, assis à l’ombre d’un cerisier. Le Royaume des Morts était silencieux, comme toujours. L’expression neutre, il passa sa main droite sur son visage.
Cela revenait à chaque fois qu’il fermait les yeux. C’était pire encore lorsqu’il allait dormir. C’était à croire qu’il n’était pas vraiment sorti de là. Lorsque la nuit tombait, il avait l’impression de sentir le froid du Neuvième Cercle saisir son corps, prélude à un cercueil de glace dont il ne pourrait, cette fois, pas se soustraire.
Cela devait être encore pire pour les autres. Dans quel état Reimu était-elle ? Elle s’était effondrée ce jour-là. Complètement.
C’était de sa faute.
Pride rejeta l’idée. Elle était revenue, insidieusement, comme chaque jour depuis. Il ne pouvait pas savoir. Les cartes ne tuaient pas à Gensokyo, c’était impossible de prédire que leur fonctionnement serait altéré. Et pourtant, avec un peu de jugeote…
L’Orgueil s’administra une baffe mentale. Cela ne servait à rien de ruminer. Il ne faisait que se pourrir le moral tout seul. Mais il ne pouvait pas faire comme si de rien n’était !
Sans parler de ce que ce fichu Diable préparait. La chaîne qui avait été brisée… Etait-ce cela qu’il cherchait à provoquer depuis le début ?
– Pride ?
Il regarda devant lui. Youmu approchait, l’air soucieuse. Il ne l’avait pas entendue approcher.
– Ah… Alors, ça donne quoi ?
Elle s’assit à côté de lui, laissant son corps fantomatique voleter autour d’eux. Mais c’était bien le corps humain que Pride regardait.
– Reimu reste très marquée… Je… C’est vraiment… Bizarre de la voir comme ça. C’est presque effrayant.
– Tu m’étonnes… Même moi ça m’a fait bizarre… Enfin…
Youmu tourna les yeux vers lui.
– Tu ne veux toujours pas tout me dire, n’est-ce pas ?
Il détourna les yeux, sans répondre. Il lui avait déjà fait un résumé grossier mais… Sans entrer dans les détails. Juste l’essentiel pour comprendre ce bordel. Le voyage en Enfer, les âmes récupérées, la prêtresse rouge, Reimu…
– Elle non plus de toute façon. Ce n’est pas grave, cela viendra.

La voix de la jardinière laissait transparaître une certaine lassitude. Difficile de dire si c’était par rapport à ces gens qui refusaient de la laisser les aider ou à elle-même qui était incapable d’aider ses proches correctement. Sans doute un peu des deux, la connaissant. Beaucoup le dernier, même.
– Désolé Youmu. Je sais que je devrais mais… Je n’y arrive pas. C’est con hein. Grande gueule comme je suis, là je n’arrive pas baver mes conneries.
– J’imagine que c’est encore trop tôt pour que tu arrives à lâcher ta « fierté » totalement. Même s’il n’y a pas de honte à se confier, tu sais.
Il le savait, oui. Etait-ce ça ? Etait-ce parce qu’il était l’Orgueil qu’il ne parvenait pas à se reposer sur elle ?
C’était ridicule. Tellement ridicule qu’il avait encore envie de s’en mettre une parce qu’elle avait certainement raison.
– Tu me connais un peu trop bien, finit-il par remarquer avec un petit rictus.
– C’est bien pour ça que tu es là… Enfin, prends ton temps…
– Maintenant qu’on l’a, le temps.
Elle ferma brièvement les yeux.
– Oui… Mh…
Elle hésita un instant. Puis finalement se tut. Pride la regarda à nouveau mais ne rebondit pas dessus. Il…
Bon sang mais il n’allait pas rester comme ça éternellement !
– Et Marisa ? …
Youmu grimaça un peu. C’était fugace mais l’œil averti et un peu trop observateur du jeune homme lui permit de le discerner.
– Ce n’est pas non plus la grande forme. C’est le moins qu’on puisse dire…
– On est tous au tapis, quoi.
Quelle fière bande de bras cassés. Jealousy ne devait pas être mieux. Et Malbas ? L’Orgueil devait bien admettre qu’il s’en fichait royalement. Il ne voyait même pas quoi faire pour arranger cette hécatombe. Il ne savait déjà pas comment s’arranger lui-même.
C’était quand même terrible. Il était libre, sans Jealousy, avec son propre corps, sa propre vie… Et il n’en faisait rien. Depuis qu’il était sorti de l’Eientei, il se sentait incapable de faire quoi que ce soit. Pas même se confier à Youmu.
Maintenant qu’il avait atteint son grand objectif, il était perdu. C’était… Indigne de lui.
– Je vais faire un peu de ménage. Si tu as besoin de moi… Tu sais où me trouver.
La demi-fantôme se leva, pour retourner à l’intérieur de la demeure. Pride la regarda faire… Et lâcha un juron.
Lui qui avait sans cesse secoué Jealousy, il était en train de faire la même chose : galérer à tenir debout tout seul.
C’était vrai que c’était grisant. Plus d’âmes grondant à l’intérieur de lui-même. Plus de partenaire avec qui raconter des idioties à longueur de temps ou avec qui négocier. Il avait l’impression de renaître. Il n’avait plus qu’à dépasser ce fichu blocage.
Il ferma les yeux. Les rouvrit. Il avait froid.
Il ne s’était pas battu pour ça !
Avec un soupir, il se releva. Rester tout seul comme un con sans rien faire ne changerait rien. Il pouvait déjà commencer par aider Youmu. Avec elle, peut-être… Peut-être que…
Tout était possible.
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Jealousy
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MessageSujet: Re: L’Uroboros de l’Enfer : fantastique voyage illusoire   L’Uroboros de l’Enfer : fantastique voyage illusoire - Page 3 Icon_minitimeLun 29 Avr - 21:42

(♪) Trouver Marisa.
Reimu ne pensait qu’à cela. C’était la seule chose à laquelle son esprit était arrimé. Elle avançait dans le Cercle de l’Hérésie, uniquement maintenue debout par Pride. C’était presque comme s’il la traînait plus qu’il la soutenait. Elle n’en pouvait plus. Elle ne voyait qu’à peine ce qu’il y avait autour d’elle, l’esprit en pilotage automatique. A peine passaient-ils un bâtiment effondré, une âme en perdition ou quoi que ce fut d’autres, elle l’avait déjà oublié.
Trouver Marisa.
Elle ne devait pas penser au reste. Pas penser à ce qu’il venait de se passer. Elle ne devait pas…
Le sourire de Surana se dessina une fois de plus devant ses yeux. Elle l’avait tuée.
Que faisait-elle là ? Pourquoi ? Elle aurait pu la sauver ! Il avait dû y avoir un moyen !
Plus maintenant.
C’était terminé, à tout jamais. Elle avait eu sa chance, inespérée, et elle l’avait brisée aussitôt. Elle aurait dû… Quoi ?
Savoir que sa carte allait la tuer ? Cela ne faisait pas ça !
L’emmener avec eux ? Pourquoi faire ? Elle… Etait déjà morte. Tout ce qui restait d’elle était enterré sous un cerisier. Et elle n’était pas elle-même.
Etait-elle contrôlée par les démons ? Etait-ce ce qui arrivait après tant d’années en Enfer ?
Elle… Ne savait rien. Ne comprenait plus rien. Elle aurait voulu pleurer encore mais ses larmes étaient à sec.
Trouver Marisa.
Ne penser qu’à ça. Il fallait la sortir de là. Sortir d’ici. Partir et ne plus jamais retourner là-dedans. Mais était-ce seulement possible ?
Une chaîne s’était brisée. Une première chaîne. Un premier sceau. Quelque-chose allait venir et il n’y avait pas de marche arrière imaginable. Elle le sentait au plus profond de son âme. Tout ceci n’était qu’un début et l’angoisse que cette réalisation apportait enserrait son cœur en menaçant de le faire exploser.
Elle avait peur.
Peur de ce qui allait arriver, peur de l’état dans lequel elle retrouverait Gensokyo en rentrant. Etait-ce déjà trop tard ? Elle ne pouvait pas le savoir.
Trouver Marisa.
Elle se raccrocha encore à cette pensée. Dans quel état allaient-ils la trouver ? Si elle avait déjà changé en monstre, comme les autres, que pourraient-ils faire ?
Si… Elle était devenue comme sa mère ?
Non. Ce ne pouvait pas être le cas. Pas Marisa ! Elle était voleuse, un peu menteuse parfois mais pas… Pas un monstre ! Elle n’avait rien à faire là !
Oui, ils allaient la trouver. La sauver. Et tout… Tout redeviendrait…
Non, rien ne serait comme avant.
Ce n’était pas la peine de tenter de se rassurer là-dessus…
Elle n’avait même pas remarqué qu’ils étaient entrés dans un nouveau lieu. Cela ne ressemblait à rien qu’elle connaissait. La pierre noire de la basilique était presque entièrement cachée par les cercueils enflammés encastrés dans les murs, rassemblés autour des piliers, présents partout où l’œil pouvait se poser. Les noms des personnes présentes à l’intérieur de chacune était indiqué par des lettres de feu sur chacun d’entre eux.
« Marisa Kirisame »
Le cœur de Reimu bondit dans sa poitrine lorsqu’enfin, elle put discerner ces mots. Paradoxalement, sa crainte redoubla d’autant plus. Finalement… Ils y étaient.

Ses yeux restèrent fixés sur le cercueil alors que Malbas le dégageait de sa position. Figée, toujours soutenue par Pride, la prêtresse vit le Dévoreur éteindre, après quelques efforts, les flammes embrassant la boite de bois. Puis il fut forcé par Jealousy et Reimu se crispa.
Marisa était là. A peine reconnaissable. Sa robe était brûlée, mais moins que son corps, presque entièrement noirci. La magicienne ordinaire s’agitait, hurlait, pleurait, alors même que les flammes n’étaient plus présentes.
C’était intolérable.
Reimu croisa le regard de Malbas. Regarda Marisa à nouveau.
– Désolée… D’avoir tant tardée…
Elle tenta un sourire pitoyable. Raté. Marisa ne pouvait pas la voir.
Reimu eut un sursaut d’énergie et se dégagea de l’aide de Pride. Elle faillit s’effondrer mais parvint à faire quelques pas pour rejoindre son amie.
– Marisa… Marisa, c’est moi…
Elle l’ignora. Elle ne l’avait pas remarquée. Reimu approcha son visage pour la forcer à la voir, évitant un coup malencontreux.
– Marisa ! Marisa, regarde-moi…
Elle finit par lui attraper les poignets pour lui bloquer, faiblement, les mouvements. Leurs regards se croisèrent enfin.
– Marisa… Je… Je suis là. On va te sortir de là. C’est fini…
Elle cherchait tant à convaincre son amie qu’elle-même. Marisa allait avoir besoin de quelques minutes, mais elle finit par se calmer, tant du fait des paroles de la prêtresse que par l’étreinte qu’elle finit par lui faire.
Mais elle ne bougeait plus du tout. Elle n’était plus qu’une poupée de cire, fixant le lointain derrière Reimu.
C’était fini. Elle était là. Elle l’avait retrouvée.
Il était temps de rentrer à la maison. Pourvu qu’il ne soit pas trop tard. Pourvu que quelque-chose puisse encore être fait pour l’aider hors de cet enfer.
Pourvu que…

– Reimu ? Youhou, Reimu ?
La prêtresse papillonna des yeux. Elle releva les yeux, puis la tête, pour voir des cheveux verts tomber juste devant elle, dont une mèche tenue par la broche en forme de serpent enroulé. Son homologue, une pince à cheveux en forme tête de grenouille plate, était plus haut. Reimu était ainsi face à un visage aussi agréable qu’inquiet. Ses yeux verts la regardaient avec attention.
Reimu se recula, puisque des cheveux venaient la chatouiller.
– Oui, Sanae, j’suis là…
– Ah, bah je préfère…
L’autre prêtresse se remit droite, croisant les bras sur son haut blanc aux bords bleus, qui n’était pas sans rappeler celui de Reimu avec ses manches détachées. Sa jupe était également bleue.
– Je rêvassais juste… Les souvenirs… Tout ça…
Imitant sa rivale de religion, Sanae se mit en position de seiza, face à elle.
La prêtresse aux cheveux verts cachait mal son angoisse. Son amie n’avait pas du tout bonne mine. Ses yeux étaient cernés au possible, son teint bien trop blafard et elle était certaine que ses joues s’étaient un peu creusées.
– Tu n’as pas mangé ce que je t’ai apporté hier, nota Sanae en masquant sa déception et désignant du menton un panier ouvert, posé sur une table basse.
– Pas faim.
La prêtresse du sanctuaire Moriya laissa son inquiétude se faire plus visible.
– Il faut que tu…
– Je sais ! Je sais, mais je n’y arrive pas, voilà, la coupa la prêtresse Hakurei.
« Pas plus que de dormir » avait-elle envie d’ajouter.

Elle n’eut pas besoin de dire pourquoi. Sanae le savait. Voir la nourriture lui rappelait le cercle de la Gourmandise. Ces gens devenus des créatures abominables qui se traquaient pour se dévorer encore et encore… Cela lui donnait la nausée. L’odeur pestilentielle du paysage formé de chair lui semblait flotter à nouveau, continuant à lui couper l’appétit.
Elle ne parvenait pas à oublier. Ses pensées revenaient invariablement vers l’Enfer et ses damnés. Toutes ces âmes torturées pour l’éternité…
Sa mère…
Marisa…
Avec les mauvais souvenirs et les idées noires, l’angoisse revenait. Elle se crispait à nouveau, l’esprit dérivant vers les profondeurs. Mais cette fois, une main la rattrapa, la ramenant à la réalité.
Sanae murmurait quelque-chose, trop bas pour être entendue. Ce devait être une prière. En temps normal, Reimu aurait protesté. Une prière adressée à une autre divinité dans son temple ? Inacceptable !
Mais Reimu n’avait ni l’envie, ni la force de se lancer dans un énième débat religieux. Elle regarda sa rivale d’un air neutre alors que son cœur se serrait. Pour, finalement se détendre, peu à peu.
L’intérieur du temple commençait naturellement à se refroidir avec la saison, mais la température se faisait pourtant douce. La prière de Sanae n’y était pas pour rien.
Comme à chaque fois qu’elle le faisait depuis qu’elle venait.
Pourtant, alors que ses yeux vagabondaient dans son modeste et pieu intérieur, la propriétaire des lieux se sentit pour le moins étrange.
Elle ne parvenait pas à mettre des mots sur la chaleur qui pulsait désormais dans sa poitrine. Mais pour la première fois depuis bien longtemps, les murs ne lui semblaient ni glacés, ni trop étroits. Les ombres n’abritaient ni démon, ni cadavre. Le vent ne colportait pas de larmes ou de douleur.
Elle se sentait… En sécurité. A l’abri. Chez elle.

(♪) Cela n’échappa pas à Sanae.
– Tu es vraiment têtue, fit-elle une fois son incantation terminée. Il aura fallu des jours avant que ça ne fasse vraiment effet.
Si l’esprit de Reimu ne se brisait pas facilement, la prêtresse du sanctuaire Moriya avait l’impression que cela ne le rendait que plus compliqué à atteindre et donc à guérir.
La jeune femme en rouge ne répondit pas tout de suite. Elle se risqua même à fermer les yeux. Nulle image de Marisa hurlant sous la chaleur du feu infernal ne vint à son esprit. Ni Gensokyo en ruines sous un ciel rouge.
– Tu dois te reposer, Reimu. Marisa est entre de bonnes mains et Gensokyo aussi.
– Ce… Je sais, Sanae. Je sais.
Reimu avait rouvert les yeux mais ses paupières étaient lourdes.
– Et puis connaissant Marisa, elle te hurlerait dessus si elle te voyait comme ça. Ou te forcerait à manger, au moins.
– T’as pas intérêt à tenter.
Si elle avait voulu se faire menaçante, la voix de la prêtresse locale était bien trop faible pour impressionner même un moineau.
– Alors ne me force pas à le faire !
Sanae souriait, sa bonne humeur naturelle empêchant toute prise au sérieux possible. Reimu ferma à nouveau les yeux, marmonnant quelque-chose d’heureusement incompréhensible. Elle détestait cette situation. Elle détestait se sentir, encore plus se savoir, incapable de quoi que ce soit.
Ce fut à ce moment qu’on toqua à la porte.
– Ne bouge pas, je m’en occupe, ordonna aussitôt la jeune femme aux cheveux verts.
– Je ne suis pas en sucre ! rétorqua l’autre prêtresse d’un air aussi ennuyé que fatigué.
Sanae l’ignora et atteignit rapidement la porte qu’elle fit coulisser sur le côté. Révélant un Jealousy qui haussa un sourcil. Il se doutait que Reimu avait un peu changé mais pas à ce point.

Il tenait un sachet dans sa main gauche rempli de quelques boites.
– Hem… Salut ? J’suis Jealousy. Reisen m’a dit d’apporter ça ici.
– Ah, très bien. Je suis Sanae Kochiya. On ne s’est jamais vus avant, je crois.
Ce nom disait quelque-chose à l’Envieux. Reimu avait dû l’évoquer.
– Effectivement. Je ne suis à Gensokyo que depuis quelques mois, c’est pour ça.
– Oh !
Alors qu’elle vérifiait ce qu’il y avait dans le paquet, des médicaments, une feuille et une enveloppe, Sanae regarda le polymorphe avec une étincelle d’intérêt dans les yeux.
– Tu viens du monde extérieur ? demanda–t-elle aussitôt.
– C’est ça.
Les étoiles s’agrandirent.
– Moi aussi ! C’est tellement rare de voir des gens comme nous ! Pourquoi t’es resté, toi ?
Vu comme elle avait l’air excitée, cela devait effectivement être rare. Quant au changeforme, un petit sourire naquit sur ses lèvres. Il ne s’attendait pas à trouver une autre exilée ici ! Mais que faisait-elle ici d’ailleurs ?
– On va dire que je me plaisais ici. Mais que fais-tu là, en fait ? Où est Reimu ? Elle va bien ?
Sanae se retourna vers l’intérieur. Elle vit que la prêtresse avait les yeux fermés.
– Je veille sur elle. Tu n’as pas à t’en faire. Là qu’elle dort enfin, je crois, elle aura certainement faim en se réveillant. Ce n’est pas trop tôt.
Elle soupira. Inutile de la connaître depuis des années pour deviner son angoisse.
– On en est là, hein. Enfin si elle n’est pas toute seule, c’est mieux. Je crois qu’on a tous besoin de s’aérer l’esprit depuis ça.
– Oui, certainement. Pardon, je n’avais pas réalisé tout de suite que tu étais l’un de ceux qui avait accompagné Reimu là-bas.
– Pas grave ! En tout cas, si ça peut rassurer, je suis déjà passé voir Marisa. Elle a l’air… Bah comme d’habitude. Au moins le mot de Flandre que je lui ai filé a eu l’air de lui plaire.
La traduction, bien connue, était que la magicienne ordinaire avait fait un sourire misérable pendant une seconde, certainement le seul de la journée. Avant de, comme toujours, rester allongée dans son lit à l’Eientei à attendre on ne savait trop quoi.
La visite quotidienne de Reimu, sans doute.
– Tant mieux… J’espère qu’elle se remettra.
– Comme nous tous. Elle en a pour un moment, je pense. Enfin elle et les deux autres qu’on a sorti de là. Heureusement pour le moment Gensokyo est calme, remarqua le polymorphe en zyeutant un papier qu’il sortait de sa poche.
Il devait livrer son prochain truc où déjà ?
– De toute façon, au moindre problème, je débarque et botte des fesses ! affirma Sanae avec entrain.
– Reimu est d’accord pour que tu lui piques son job ?
– Elle n’a pas trop le choix, rétorqua la prêtresse en se retournant à nouveau vers sa comparse endormie.
– C’est vrai.
L’Envieux ne pouvait s’empêcher d’être rassuré. Si Reimu avait quelqu’un pour l’aider durant cette triste période remplie de traumatisme, c’était tant mieux. Lui s’occupait pour ne pas y penser mais chacun sa méthode.
– Bon c’est pas tout ça mais j’ai à faire… Je suis déjà en retard. A plus Sanae, on se reverra sans doute !
– Oui ! Tu pourras me donner des nouvelles du Monde Extérieur !
Au ton de sa voix, cela lui manquait. Jealousy pouvait le comprendre. Cela faisait son effet de quitter la ville et la technologie pour arriver dans ce trou perdu. Ou juste ne plus voir plus de quatre humains à la ronde.
Ou voir de la magie partout.
Il n’allait pas s’attarder plus, repartant de là. Vu comme le Sanctuaire Hakurei était éloigné de tout, il en avait pour un petit moment avant d’aller à sa prochaine destination. Les autres avaient bien de la chance de ne pas avoir besoin de battre des ailes pour voler.
Une fois encore, le polymorphe se prit à attendre la réplique de Pride qui n’aurait pas manqué de faire une remarque des plus pertinentes. Mais rien ne vint, comme à chaque fois depuis leur séparation. Il avait toujours du mal à s’y faire.
Pourtant, il ne pouvait que s’en réjouir.
Ce pas de plus vers la liberté était bien l’une des seules bonnes nouvelles du moment.

(♪) La chambre était silencieuse. Blanche, comme toutes ses sœurs jumelles dans l’Eientei. Cela changeait du noir qu’elle portait habituellement, bien que c’était à ce moment remplacé par une blouse d’hôpital bleue. Qu’importait. Elle pouvait changer ça à tout instant si cela ne lui plaisait pas.
Elle s’en fichait, au fond.
Sa main droite était remontée près de sa poitrine alors qu’elle sentait son esprit sombrer à nouveau, couler vers les souvenirs de son tourment…
Juste à temps, on toqua à la porte.
– Entrez, fit-elle simplement et d’une petite voix.
Suffisante pour que la porte s’ouvre sur un Dévoreur bien connu.
– Bonjour, Nue.
L’intéressée le considéra un instant, pas sûre de ce qu’elle allait dire.
– Salut, dit-elle simplement.
Malbas fit quelques pas dans la chambre, restant finalement debout face à la yôkai. Elle se tenait assise sur le bord de son lit, le regard las. Ses ailes asymétriques étaient baissées, ses mains revenues sur ses genoux.
– Comment tu te sens aujourd’hui ?
– Bah comme une morte-vivante. Donc comme d’hab.
Le Dévoreur opina. Comme d’habitude effectivement. Elle disait ça depuis son retour de l’Enfer.
C’était un sentiment partagé par les trois survivantes. Tant de leur vécu que de la nature de leur retour.
– Je te l’ai déjà expliqué. Tu n’es pas une morte-vivante. C’est bien ton corps, ton âme et tout fonctionne.
– Mais je dépends d’un caillou.
– Ce n’est que ton âme condensée en… Oui, bon, certes. Mais caillou ou pas, vu qu’il est dans ton corps, tu ne risques pas de le casser autrement que par une blessure certainement mortelle de toute façon. Cela revient techniquement au même.
Nue rit jaune.
– Techniquement. En pratique, je suis un pantin qui ne devrait pas être là. Une espèce de bricolage bizarre…
Son sourire de façade était trop étiré et figé pour être honnête. Même Malbas pouvait le deviner.
– Je comprends que tu le ressentes comme ça. Mais c’est bien toi. Tu es bien réelle, bien vivante. Ne te rappelles-tu pas tes apparitions, lorsque je cherchais vainement à te ramener ?
Son expression devint confuse l’espace d’un instant.
– Tu sais que j’ai du mal à m’en rappeler.
– Toi peut-être, mais pas moi. Tu m’as donné la motivation pour continuer à chercher un moyen de réparer mes erreurs. J’aurais pu seulement continuer ou m’effondrer en attendant la mort. Mais non. Je ne pouvais pas. Et puis tu m’as même sauvé la vie.
– J’ai du mal à y croire, marmonna la nue.
– Et pourtant. Sans toi j’étais réduit à l’état de poussières. On n’en serait pas là.
– Ce serait peut-être pour le mieux.
La réponse prit Malbas par surprise. Il ouvrit la bouche mais ne trouva rien à dire. Plusieurs minutes de silence gêné passèrent. Finalement, le Dévoreur fit mine de récupérer un objet derrière lui, le sortant en réalité du néant.
– Il serait temps que je te rende ça.
Nue posa ses yeux noirs sur le trident que lui tendait Malbas. Sans doute aurait-elle dû ressentir quelque-chose. De la joie, sans doute.
– Garde le. Il te sera plus utile qu’à moi, annonça-t-elle sans grande émotion.
L’arme disparut à nouveau.
– Très bien, comme tu veux. Mais si tu changes d’avis…
C’était inutile. Nue n’y portait déjà plus du tout attention. Ses pensées dérivaient vers un abîme dont les seules limites étaient son esprit. Malbas avait la sensation qu’elle ne le voyait plus, n’intégrait même plus sa présence.
Elle était hors d’atteinte.

Le cœur lourd, il referma la porte, étant de retour dans le couloir. Il valait mieux la laisser.
– C’est pas mieux, hein.
La stupeur remplaça l’inquiétude pendant une seconde, lorsque Malbas reconnut Murasa. Elle avait la même tenue normalisée que Nue. Ses yeux étaient toutefois bien plus vivants.
– Non. Malheureusement, il fallait s’y attendre, admit le Dévoreur.
– Bien sûr. J’en suis presque heureuse d’être un fantôme.
Son cas était particulier. Tant et si bien qu’elle s’était immédiatement réveillée, visiblement en forme, quand son âme lui avait été restituée. Si elle se souvenait de ce qu’il lui était arrivé en bas et restait quelque-peu fragile, elle se remettait bien plus aisément que les autres.
– Cela aide, c’est sûr. La mort… Tu connais ça.
– J’imagine que oui.
Malbas était mal à l’aise. Tout cela restait de son fait. Il faisait du mieux qu’il pouvait pour rester calme mais c’était difficile. Il n’était pas du tout sûr de ce qu’il devait dire ou faire dans cette situation.
– Toujours en train de culpabiliser ? remarqua la morte-vivante.
– Difficile de ne pas l’être.
Elle ne put pas retenir un rictus de satisfaction.
– Tant mieux.
Son expression redevint neutre.
– Mais ça ne sert à rien. Ce qui est fait… Est fait. Tu as déjà fait tout ce que tu pouvais pour revenir dessus.
Malbas tiqua. Cela ne ressemblait pas du tout à Murasa, ce genre de discours.
– Je suppose que tu as raison…
Elle haussa les épaules.
– Je m’occupe de Nue. Je devrais mieux m’en tirer que celui qui l’a techniquement tuée.
Sans attendre de réponse, elle dépassa le Dévoreur pour entrer dans la chambre de son amie. Il la regarda faire, médusé.
Mais une fois de plus, il aurait certainement dû s’en douter. Comment pourrait-elle faire comme si de rien n’était ? Certes il avait aidé à les sauver mais…
Ce n’était pas si simple !

Malbas se massa les tempes, déambulant dans l’hôpital. Il remerciait il ne savait qui que Gensokyo soit tranquille. Lui parvenait à ne pas être tourmenté par l’Enfer. Du moins, pas trop. Mais sa culpabilité d’y avoir envoyé des âmes n’en était que plus grande.
Il pouvait dormir, bien que ce n’était jamais pendant une durée excédant cinq heures. Il pouvait penser à autre chose, mais cela revenait sans cesse le hanter.
Au moins, il n’avait pas faim. Pas encore.
Cela ne saurait tarder. Il avait pu se nourrir en Enfer mais ici, c’était à nouveau hors de question. Eirin travaillait sur une solution mais ce n’était pas encore au point. Si ça l’était un jour. Comment contourner un besoin en énergie vitale, après tout ?
Son répit lui parut soudain bien fragile. Tout pouvait à nouveau basculer si vite.
Ses pas le menèrent au bureau d’Eirin. Il y passait la majeure partie de son temps désormais, à essayer d’aider la doctoresse. Ses pouvoirs pouvaient toujours se montrer utiles dans une clinique et elle était l’une des rares à ne pas avoir à le craindre même s’il était affamé.
Avec Koakuma, c’était l’une des rares personnes ici en qui il avait confiance. Et surtout, qui avait confiance en lui. Il restait bien conscient d’être sous surveillance, on ne lui pardonnerait pas ses actions de sitôt. Il ne s’imaginait pas l’inverse.
Il entra avec cette pensée, tombant sur une fissure spatio-temporelle noire remplie d’yeux.

Malbas cligna des yeux quelques instants, peu sûr de ce qu’il voyait là. Il ne changea pas d’expression lorsque Eirin sortit du portail lequel se referma aussitôt.
– Bonjour Malbas, fit-elle calmement.
– Euh… Bonjour… Que se passe-t-il ?
Elle ne sut s’empêcher de sourire en voyant le trouble du Dévoreur.
– Yukari Yakumo avait besoin de moi. Un de ses amis est mal en point.
– Pourquoi n’est-il pas ici comme tout le monde ?
– Selon elle, c’est une mauvaise idée. Il ne faut pas se formaliser. Sa manière d’agir est incompréhensible pour le commun des mortels.
Comme bien des gens à Gensokyo, avait envie d’ajouter l’alchimiste. C’était la marque de fabrique de la contrée, en un sens.
– Il s’en sortira ? s’enquit-il néanmoins.
– Oh oui. S’il parvient à échapper à la fureur de Yukari.
Un péril dont si Malbas ignorait la nature exacte, il lui paraissait bien assez terrible comme ça.

(♪) L’intéressé ne pouvait que confirmer, bien qu’il ne faisait qu’ouvrir les yeux. Cela lui demandait déjà un effort bien trop important pour une action aussi bénigne. Il se trouvait dans un lit qu’il devait bien avouer être confortable.
Il était dans une chambre aux murs en bois. Pas de décoration ici et une table de chevet à sa droite.
Samaël resta quelques instants à regarder le plafond, de bois plus sombre. Il se sentait misérable. Un mouvement trop brusque de la jambe gauche eut tôt fait de lui rappeler la raison de sa présence : l’intolérable douleur de sa hanche le reprit. Il serra les dents, maudissant Ierukah. Il ignorait où était le Damné, mais visiblement pas ici et c’était la seule information qui avait de l’importance.
Sa main droite passa sur ses bandages. Au niveau de l’abdomen, des bras… Il avait la sensation d’être une momie et que son corps n’était qu’une immense plaie ouverte. L’absence de rouge indiquait toutefois que si plaies il y avait, elles avaient le mérite de ne pas le vider de son liquide vital. Sa seule survie lui paraissait être un miracle. Non pas divin, heureusement ou malheureusement.
– Tu as l’air d’aller mieux.

A la périphérie de son champ de vision, le Voyageur aperçut Yukari. Elle était adossée contre la porte coulissante entrebâillée. Elle jouait avec le chapeau blanc de son invité, le faisant tourner autour de ses doigts.
– Je ne vois pas ce qui te fais dire ça.
– Tu as pu répondre à mon affirmation à l’instant.
Un signe qui ne trompait effectivement pas.
– Il fallait bien au bout d’un moment.
Elle approcha de lui, le fixant d’un regard impénétrable.
– Cela restait bien gonflé de déporter ton affrontement ici. Tu as eu de la chance que Ran soit là pour repousser ton adversaire.
– C’était un pari. Qui plus est, ce n’est pas le premier endroit où nous nous sommes déplacés.
Le Voyageur avait tourné la tête vers la yôkai, désormais à quelques centimètres de lui. Elle gardait un air neutre, voir sévère.
– Assez joué. Tu ne peux plus éviter les questions, désormais. Pourquoi Surana était-elle là-dedans ?
Il y eut un moment de silence.
– Reimu ?
– Oui. Elle aussi mérite de savoir, par ailleurs. Je pense qu’il est temps d’arrêter ce petit jeu de dupes. Que s’est-il vraiment passé ce jour-là ?
Le Voyageur frissonna. Yukari n’avait pas haussé le ton. Au contraire. Sa voix s’était faite plus douce alors qu’elle s’était penchée vers son visage… Tout en posant doucement une main sur la hanche gauche qui irradiait déjà de douleur.
Elle n’hésiterait pas. Il était entièrement à sa merci.
L’heure était venue d’arrêter de fuir.
– Pour… Commencer… Il faut remonter un peu en arrière…
– N’essaie pas de m’embrouiller, Samaël.
Il tiqua.
– Depuis quand le sais-tu ?
– Toujours. Me prends-tu à ce point pour une idiote ?
Elle fit mine d’appuyer, se parant cette fois d’un sourire sadique.
– Non, non, je m’excuse, je… Bref…
La panique éphémère retomba. La yôkai parut satisfaite.
– Je n’essaie pas de t’embrouiller. Mais de raconter l’histoire depuis son origine. Et cette origine est celle d’Ichiro. Celui qui allait ravir le cœur de Surana. Le jour où je l’ai rencontré, ce n’était qu’un pauvre salarié qui avait tout perdu. Je lui ai proposé une nouvelle vie, en échange de son âme. Un pacte simple, qui a permis de le faire atterrir à Gensokyo quand il a été au Sanctuaire Hakurei de l’autre côté de la barrière…
– Il me semblait bien qu’il n’était pas originaire d’ici… Mais je suis, jusque-là. Et alors ?
L’ancien premier ministre infernal prit un instant, reprenant son souffle. Il restait bien affaibli et sa hanche lui faisait toujours mal.
– Et alors avec cet être dont l’âme était promise à l’Enfer comme mouchard, j’ai pu également traverser la barrière. Découvrir ce petit coin de magie, chose qui comme tu le sais n’existe quasiment plus de l’autre côté. J’ai pu te rencontrer, rencontrer Surana et ces autres personnes avec qui… Commercer.
– Si tu te demandes, Surana était parfaitement au courant également. Mais tu arrivais à faire tes coups suffisamment en douce, apparemment, pour qu’elle ne dise rien.
– L’Eientei ne s’était pas encore révélé à cette époque. Donc je restais le mieux placé pour sauver ce qui ne pouvait l’être ou permettre l’impossible. Je soupçonne plutôt qu’elle laisser couler car je permettais quand même aux gens de réussir certaines choses. Nous ne saurons probablement jamais. Elle avait sa façon de voir le monde…
Les yeux du Voyageur s’étaient perdus dans le lointain, sa voix teintée d’une touche de mélancolie.
– C’est pour ça que tu l’as tuée ? Parce qu’elle préférait Ichiro à toi ?
– Non !

La réponse était sèche. Samaël regardait à nouveau Yukari.
– Non. Pas du tout. C’était un ordre, du Malin en personne. Surana devait mourir et avec elle, la lignée des Hakurei s’éteindre.
– Pourquoi ?
– Pour la barrière. Il voulait et veut toujours l’abattre.
Yukari haussa un sourcil et s’assit finalement sur le bord du lit, juste à côté de cette hanche qu’elle était à deux doigts de torturer.
– Pourquoi donc ? Que le Monde Humain retrouve sa magie, ses légendes et créatures oubliées ?
– C’est exactement ça. L’influence démoniaque est faible, dehors. Bien peu peuvent fouler le sol du monde des humains.
– Est-ce que tu es en train de me dire qu’il prévoit une invasion ?
Le Voyageur opina doucement.
– C’est l’objectif. Mais sans magie de l’autre côté, ou aussi faible, c’est impossible. Il existe… Un monument, qui s’il était détruit, changerait cela. Mais seul un humain peut le faire et comme les manipulations dans l’ombre sont impossibles comme je l’ai dit…
– Satan a donc cherché un autre moyen d’arriver à ses fins. Et ce moyen c’est Gensokyo.
– C’est cela.
– Et le sceau qui s’est brisé ?
La yôkai des frontières continuait de jouer avec le chapeau, intégrant ces informations qu’elle ne connaissait pas toutes.
– On a tendance à l’oublier, mais le Diable est enfermé. Sept sceaux doivent être détruits pour qu’il soit libéré et que l’Apocalypse en tant que tel commence. Il faut croire que… Il n’en reste plus que six.
Cette fois, une inquiétude bien marquée était perceptible. Il ne savait que trop bien quel sombre avenir se dessinait.
– Comment empêche-t-on cela ?
– Je ne pense pas que cela soit possible. Les sceaux sont des évènements, chacun défiant l’ordre naturel des choses. Ils sont… Condamnés à arriver. Cela prendra des mois, peut-être des années, mais cela finira par arriver. L’invasion du Monde Humain n’est… Qu’une étape avant la véritable Fin.
– C’est réjouissant tout ça. Et du coup, pour Surana ? Comment le Diable a-t-il seulement été mis au courant de tout ça ?
– … Ichiro. Quand les chiens de l’enfer l’ont dévoré pour envoyer son âme en Enfer. Il a eu la langue… Un peu trop pendue avec le Juge là-bas, Méphistophélès.
Le Voyageur serra les poings.
– Personne ne prêtait attention à Gensokyo. Barrière ou pas, magie ou pas… Mais cet idiot a voulu sauver son âme, une fois devant l’abysse. Il a paniqué… Et tout dit. Sauf concernant Reimu. Pour le Diable, Surana était la dernière Hakurei en vie. J’imagine que c’était l’œuvre de sa dernière parcelle d’humanité.
– Et ensuite ? Cela ne me dit pas pourquoi Surana était aussi damnée.
Le Voyageur expira. De douloureux souvenirs remontaient à la surface.
– Quand j’ai été affronter Surana… Je dois dire que je ne m’attendais pas à un tel combat et pourtant, ce n’était pas faute de la connaître. Il suffit de voir ma hanche… Cela n’a jamais guéri.
– Mais tu la tuée quand même.
– Non. Je… Je ne pouvais pas. Je ne voulais pas. Je ne saurais pas dire si elle était plus forte que moi. Mais c’était un combat que je ne pouvais pas gagner, bien que je ne me sois pas laissé faire. Ordre ou non, pouvoir ou non. Elle devait l’emporter et elle allait le faire… C’est là qu’il est arrivé.
– Qui ?
La colère désormais. Le Voyageur était si nerveux que sa hanche dû le calmer d’un électrochoc de souffrance qui lui tira une exclamation.
– Ichiro. Ta subordonnée a dû te parler de ses capacités, désormais. Il est redoutable. Il l’a prouvé en embrochant Surana par derrière… Pour la laisser se vider de son sang, comme je faisais avec le mien.
– Je comprends mieux la haine qui t’anime. Mais vous étiez dans le même camp.
Elle était vraiment sans pitié.
– Je… J’acceptais mon sort ! Elle allait me tuer et continuer sa vie, c’était très bien ainsi ! En étant capable de me vaincre, elle prouvait que personne en Enfer ne pouvait l’abattre non plus ! Elle n’avait qu’à abattre son sabre une fois de plus… Pour retrouver la paix. Mais cet incapable a une fois de plus tout fichu en l’air ! Cet incapable… Que j’ai moi-même crée.
Il se tut alors que sa voix commençait à trembler. Il sentait que ses yeux se faisaient larmoyants.
– Surana… Surana a voulu faire un Pacte, avant de mourir. Je devais survivre. Survivre et, lorsque les démons reviendraient… Faire ce que je pourrais pour les empêcher de finir ce qu’ils avaient commencé. Protéger Reimu.
– C’était toi, qu’elle a pris pour Surana, n’est-ce pas ?
Il ne répondit pas, trop occupé à essuyer ses larmes.
– Et bien c’est un beau ratage vu l’état dans lequel elle se trouve actuellement. Et avec le premier sceau de brisé.
– C’était ça ou sa perte. Elle n’aurait jamais pu l’emporter contre Surana et Ichiro en même temps.
– J’imagine…
Elle avait l’air peu convaincue. Samaël en comprenait bien la raison.
– Ecoute, je… J’ai fait ce que j’ai pu. Laisse-lui du temps. Reimu s’en remettra, comme les autres.
– Il y a intérêt. Et toi aussi. Ne crois pas que cette contribution suffira à ta rédemption… Ou que je te laisserai mourir pour l’avoir.
– Dans tous les cas, tu sais que je mon nouveau patron ne veut pas que j’intervienne… Trop… Enfin… Je ne sais pas si je suis supposé être rassuré ou effrayé…
A nouveau, Yukari se para d’un sourire. Clairement menaçant, celui-ci. Nul doute qu’elle comptait poser d’autres questions et ne pas laisser son invité, en vérité captif, se rendormir. Malgré son envie impérieuse de le faire.
La nuit promettait d’être longue.

(♪) Youmu était bien loin de tout ça. Elle finissait de ranger la vaisselle de la soirée dans les placards prévus à cet effet. Un petit soupir échappa à sa vigilance mais personne n’était là pour l’entendre.
Le soleil s’était couché depuis quelques heures désormais et dame Yuyuko s’était d’ores et déjà rendue dans sa chambre, prétextant une fatigue de la jardinière peinait à imaginer.
Pride devait être debout, lui. Il dormait mal, c’était évident. Si seulement il arrivait à lâcher tout ce qu’il a sur le cœur…
En son for intérieur, la demie-fantôme ne pouvait s’empêcher de s’en vouloir. Elle avait l’impression de leur avoir fait défaut. A Pride, Reimu, Marisa… Elle aurait dû être là, elle aurait dû plonger en Enfer ! Mais l’expédition s’était montée si vite qu’elle n’avait été prévenue que trop tard.
Maintenant, elle ne pouvait qu’essayer de ramasser les morceaux. Mais même cela, elle n’y parvenait pas. Ce sentiment d’impuissance était étouffant, pas assez néanmoins pour l’empêcher d’essayer encore.

Lorsqu’elle atteignit le salon une fois sa corvée terminée, Youmu aperçut le maître des ombres, debout sur la terrasse. Il scrutait le ciel, de ce qu’elle parvenait à discerner.
Ils avaient tout leur temps. Pourtant, elle avait l’impression qu’il n’y en avait pas à perdre. Elle n’avait pas envie d’en perdre.
La honte la prit lorsqu’elle se rendit compte de la crainte qui siégeait en son cœur. C’était idiot mais elle avait peur que cela s’arrête. Que l’Orgueil disparaisse, cette fois pour de bon. Il avait pu se trouver un corps mais était-ce une solution pérenne ou un simple coup de chance, une solution éphémère ?
Youmu prit une grande inspiration. Peu importait. Elle devait l’aider. Elle ignorait la marche à suivre mais la première chose à faire n’était certainement pas de le laisser broyer du noir comme cela.

Pride se retourna en l’entendant approcher.
– Re… Bien joué pour le dîner, comme d’habitude, fit-il simplement.
– Merci, Pride. Tu regardais les étoiles ?
Il reprit sa position initiale. Le ciel était constellé de points blancs, pour les endroits non couverts par les nuages. C’était peut-être la dernière nuit où ce serait possible, vu la saison qui venait.
– Ouais. J’aime bien.
Quelque-chose le dérangeait. Youmu pouvait le deviner sans mal. Savoir quoi, c’était plus compliqué. Il n’était vraiment pas doué pour simplifier les choses.
– Si tu veux, je peux te laisser seul…
– Non !
Il avait un peu haussé la voix, sans faire attention. Il s’en rendit compte aussitôt et tenta sans grande réussite de masquer sa gêne.
– Reste… S’il te plaît.
La demie-fantôme se força à ne pas trop sourire. C’était ce qu’elle aimait, chez lui. Il voulait faire le dur, mais au fond…
– D’accord, Pride.
Plus que gêné, il était nerveux. Il se tut pendant quelques secondes, regardant le ciel.
– Youmu… Je suis désolé. C’est juste que… Oh et puis zut. Je fais n’importe quoi.
La jardinière se garda bien de répondre et réprima son envie de s’esclaffer. Voir Pride ainsi galérer n’était pas un spectacle que le commun des mortels pouvait appeler quotidien. Elle le laissa donc continuer, le fixant seulement de ses yeux bleus.
–  Quand on a été en Enfer et que j’ai été séparé de l’Envieux… Je me suis retrouvé dans de la glace. Dans le noir. Ça… Peut paraître con… J’ai vraiment flippé. Flippé à l’idée de ne pas pouvoir sortir. De rester enfermer là-dedans. Je n’avais jamais ressenti ça, avant.
– C’est donc ça qui te torture. Tu as peur d’y retourner ?
– Non, enfin… Je ne sais pas…
Il regarda ses mains, constatant leur léger tremblement.
– A chaque fois que je ferme les yeux, j’ai l’impression d’y retourner. Je… J’ai l’impression que je ne m’en suis jamais sorti, que c’est un rêve et que… Que… Que c’est là que je vais finir, que je dois finir pour payer de ce que j’ai fait. C’est comme si cela m’attendait inéluctablement.
Il ferma les yeux. L’effet revint. Le noir. La glace. Le Cercle. Il sentit une fois encore le froid revenir. Du moins, jusqu’à ce qu’une touche de chaleur ne le fasse sursauter. Cela venait de ses mains et lorsqu’il rouvrit ses yeux, il remarqua qu’elles étaient entre celles de Youmu.

(♪) Elle le regardait. Pas de lassitude, cette fois, dans son regard. C’était tout autre chose. L’Orgueil plongea ses yeux dans les sien, presque comme un enfant effrayé cherchant du réconfort. Sa peau, douce, était froide pourtant. Mais par rapport au froid infernal, c’était un soleil chaleureux et salvateur.
– Tu n’y retourneras pas, Pride. Je te le promets.
– Youmu… Ce… Tu ne comprends pas. C’est… C’est ma faute si Reimu est comme ça. Je l’ai poussée à affronter sa mère, sans me dire que cela risquait de la tuer. J’ai fait exactement ce que les démons attendaient de moi. Depuis tout ce temps, je ne suis qu’une marionnette. J’ai tué pour eux, j’ai foutu la merde, j’ai…
– Est-ce que me sauver faisait aussi partie du plan ?
Il s’interrompit, déboussolé. Il ne s’était pas attendu à ça.
– Je… J’en sais rien…
Là, il était pris de court.
– Tu n’es pas une marionnette, Pride. Tu es toi. Tu fais des erreurs, des mauvais choix, comme tout le monde. Je crois comprendre ce qu’il s’est passé, maintenant. Mais si vous ne vous étiez pas battus, vous ne seriez pas là, ni Reimu, ni toi, ni Marisa ou les autres.
Elle avait un peu resserré sa prise, s’accaparant ainsi entièrement l’attention de Pride. Son attention et ses pensées, puisqu’il ne trouva rien à répondre. La demie-fantôme n’allait pas laisser cette occasion de dire ce qu’elle avait sur le cœur. Depuis trop longtemps déjà elle se retenait.
– Tu m’as sauvé la vie, Pride. Tu es resté trois jours à l’Eientei, pour veiller sur moi. Sans rien demander en retour. Comme lorsque tu m’as aidée pour les fantômes à retrouver. Tu… As toujours été gentil avec moi. Ça, cela vient de toi et de personne d’autre. A chaque fois que tu viens, tu veux m’aider ou trouver un moyen de me faire sourire. Tu passes ton temps à me plaindre quant à ma charge de travail. Tu as même fait le mur juste pour venir me voir. Personne ne m’a traitée ainsi. Avec toi… Je me sens pleinement vivante.
Elle souriait. Elle souriait et Pride ne pouvait pas s’empêcher de trouver ça beau. La glace se faisait moins étouffante.
– Tu te souviens du festival ? Du concert des sœurs Prismriver, de tous nos entraînements ? Ce sont des moments qui comptent pour moi, Pride.
Elle voulut dire quelque-chose de plus mais se stoppa. Elle s’était progressivement mise à rougir. Cette fois, ce fut Pride qui devint incapable de retenir ses pensées plus longtemps.
– Tu sais, Youmu… Si j’avais si peur de ne pas sortir de là-dedans, c’était parce que je craignais de ne plus te revoir. Comme quand j’ai envoyé paitre Remilia… Je veux juste être avec toi. Tu es… Je ne sais pas comment tu fais pour continuer à bosser là pour pas une thune. Et tu es forte ! Et en plus, c’est grâce à toi que j’ai pu faire la carte de sort avec laquelle j’ai pu permettre à Reimu de l’emporter ! C’est aussi grâce à toi qu’on s’en est sorti et… Et…
Leurs yeux se croisèrent encore. Sans pouvoir se détacher l’un de l’autre. Pourquoi essayait-il de faire un discours, pitoyable en plus ?
C’était évident. Aussi évident que lorsqu’ils avaient regardé les étoiles, l’un contre l’autre, il n’y avait pas si longtemps.

Ne faisant pas attention à son propre rougissement, il fit un pas vers elle. Youmu lâcha ses mains, nerveuse. Mais pas seulement. Son cœur battait à tout rompre alors que Pride était si proche.
Il hésita encore une seconde. Pour enfin prononcer ces mots attendus depuis si longtemps.
– Youmu… Je t’aime.
Elle ne lui laissa pas le temps de réfléchir. Elle se blottit contre lui aussitôt et il passa ses bras dans son dos. Comme elle était légèrement plus petite que lui, il dû baisser la tête pour voir son sourire. Et les larmes de joie qui perlaient de ses yeux.
– Je t’aime !

Il sentait la glace fondre et emporter son angoisse et ses cauchemars. Myon le câlinait doucement alors qu’il posait son front contre celui de sa demie-fantôme. Aussi rouges et heureux l’un que l’autres, ils se le murmurèrent une fois encore.
Puis la main droite du maître des ombres remonta pour se perdre dans les cheveux blancs de Youmu. Attirés tels des aimants, leurs visages se rapprochèrent. Dans un geste doux, leurs lèvres se scellèrent enfin, sous la bénédiction des étoiles.
Ils restèrent ainsi longtemps, pour ce moment qui n’appartenait qu’à eux. Ouvrant la voie à un nouveau chapitre de leur vie, écrit à deux.
Heureux.

Ils s’aimaient et plus rien d’autre ne comptait pour eux.
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