Il courait. Plus exactement, il fuyait. Au travers de la forêt sombre, il avançait droit devant, sans se soucier des branches qui le fouettaient ni des ronces qui le griffaient. Il aura probablement un visage crispé par la peur, une fois mort. Ses vêtements étaient déchirés, sa peau était griffée à de nombreux endroits, et la végétation qui le maltraitait n'en était pas la cause.
Après plusieurs dizaines de minutes qui lui ont semblé être des heures, il sortit des bois, éreinté, mais légèrement soulagé. Il s'avança lentement, jetant des regards inquiets derrière lui… il soupira de soulagement en pensant avoir semé son agresseur. Il marcha deux pas, puis vit, en face de lui, un rocher sur lequel trônait un chat. L'homme hurla à la simple vue de ce félin au pelage noir comme les Ténèbres, qui le toisait avec un regard impassible. Sans un bruit, l'animal se lécha tranquillement la patte avec un calme et un dédain surnaturel.
L'homme, terrorisé, ne put relâcher du regard l'œil droit du félin qui brillait d'une lueur violette.
-L'un d'entre nous va mourir ce soir… Et, bien entendu, je veillerais à ce qu'il s'agisse de toi.
-Pourquoi?! Qu'ai-je fais! Et… qui es-tu?
-Moi? J'ai dû de sur-estimer, je pensais que tu allais me reconnaître. Je suis Absolembum.
-Ah…
-Tiens, tout de suite tu comprends mieux pourquoi j'en ai après toi, hein? Maintenant, fuis. Fuis pour ta vie, cours, va. J'ai décidé de te chasser, te suivre sans relâche, pour que tu sombres dans la folie. Juste pour mon pur plaisir. Où que tu ailles, je serais là. Aussi vite, aussi loin que tu puisses courir, je te rattraperais. Et dès que tu ne tiendras plus, que tes muscles ne puissent plus te soutenir, alors là, je te tuerais. Lentement. En savourant avec plaisir la moindre blessure, le moindre cri d'agonie. Et là enfin, mon travail sera achevé.
À ces mots, l'homme prit les jambes à son cou, sans plus un regard sur le félin qui restait immobile sur son rocher, et longea le lac. Plus les minutes passèrent, plus ses jambes le brûlaient, sa respiration devenait haletante. Il s'arrêta un moment, pour reprendre sa respiration. Ses yeux roulaient du lac à la bordure de la forêt, devant, derrière. Personne. L'être en fuite continua sa course, puis vit devant lui, comme dans un cauchemar, la silhouette qui le fixait avec un regard sévère mais dénué d'émotions. La proie d'Absolembum se figea.
Les deux restèrent immobiles… comme statufiés… Soudain Absolembum feula et sauta sur l'homme, lui griffant violemment l'œil et l'oreille droite jusqu'au sang.
La surprise et la violence de l'attaque le vit chavirer, et tomber dans le lac, sa dernière vision étant le regard indigo du félin…
Il reprit connaissance sous l'eau. La froideur du lac accentuait sa douleur, son oreille le brûlait. Il nagea rapidement à la surface, puis reprit sa fuite désespérée. Ses membres étaient douloureux et engourdis, et il ne pouvait plus ouvrir sa paupière. Il s'enfonça à nouveau dans la forêt, dans le fol espoir de s'y cacher.
La nuit était sombre et sans lune, et l'homme pourchassé ne voyait pas plus loin que les branches qu'il repoussait avec ses bras. Sa course effrénée et aléatoire le conduisit vers une source de lumière lointaine. Il traversa les quelques arbres qui le gênaient et aperçût une demeure. L'homme se rua vers la maison, tambourinant à la porte.
Au bout d'un temps la porte s'ouvrit, et une jeune femme blonde aux cheveux longs et coiffée d'un chapeau pointu, ouvrit.
-Oui, qu'est-ce qu'il y a?
-S'il vous plaît! aidez moi, pitié! aidez moi!
-Holà, calmez vous et dites moi ce qu'il se passe.
-Quelqu'un me poursuit… il veut me tuer! Aidez moi!
-Bon… entrez.
L'homme entra chez son hôte qui l'intima à s'asseoir.
-Attendez ici, vous êtes blessé, je vais m'occuper de vous.
-Merci, merci beaucoup! … Vous… êtes une sorcière?
-Hum, oui. Pourquoi, ça vous dérange?
-Non non, mais… vous avez un… chat noir?
-Pas à ma connaissance, non. Bon, restez ici, je reviens.
La sorcière partit chercher une trousse de soin. Le fugitif soupira de soulagement en regardant la sorcière partir le long d'un couloir. Puis il entendit la jeune femme parler, à l'entrée.
-Tiens! … Mais, que fais-tu à cette heure là? … Non non, y'a pas de soucis. … Bien sûr, entre!
Quelques minutes plus tard, la sorcière revint… accompagnée d'un félin aux yeux dépareillés.
-Ah, mais que vois-je? Quelle heureuse surprise de te voir ici, nya~!
-Absol', tu le connais?
-Oui, c'est… un ami~
-Non! c'est lui! c'est lui qui veut me tuer!!
-Hum… Marisa, je crois qu'il souffre d'un choc psychologique. Vu les blessures qu'il a… faut s'en occuper. … Bon, va chercher Eirin. Elle pourra probablement nous aider.
-Quoi, maintenant? Mais faut minimum une heure pour y aller, tu ne crois pas que vu son état, il tiendra.
-c'est bon, je m'occupe de lui en attendant. Je n'en ai pas l'air, mais je suis pas mal doué pour les problèmes psychologiques, et je peux aussi panser ses blessures.
-Noon! ne l'écoutez pas! il veux me tuer!!
-Rassure toi, je ne te veux aucun mal… tu me crois, Marisa, n'est-ce pas?~
Le félin se mit à se frotter contre les jambes de la sorcière en ronronnant.
-Arrête, ça chatouille! Ah, t'es décidément irrécupérable, toi!
-Je sais juste profiter du fait que je sois adorable~
-Bon, Absol', je te laisse t'occuper de lui, je pars chercher les secours.
-Il ira bien mieux après, crois-moi!
-J'te fais confiance pour ça! Bon, à tout à l'heure!
La sorcière prit son balai et sortit de la demeure, laissant l'homme et le chat, seuls. Le félin à l'œil indigo changea son sourire adorable et mignon en un sourire démoniaque et sadique.
-C'est si simple. Maintenant, tu es bloqué.
-Noon…
-À ma merci. Je vais faire de toi ce que je veux.
-Noon! NOOOOOON!
La nuit fut longue et pénible. La chat au pelage noir de jais nettoya ses pattes pleines de sang, regardant d'un air amusé l'homme qui agonisait au sol. Il respirait bruyamment, et chacun de ses râles faisait bouillonner le sang qui sortait de sa gorge.
-Tu as sottement cru que tu allais expier tes crimes simplement en fuyant ton monde, mais cela ne fonctionne pas comme ça. Tu devais être puni pour les vies que tu as prises. Tu n'as eu que ce que tu méritais. Sur ce, je te laisse mourir.